Une formidable perle d'esthétisme, sans doute l'une des réussites majeures du chef opérateur Michael Ballhaus : son travail sur le reflet est exemplaire, utilisant certains éléments du décor ( miroirs, vitrines...) pour mieux sublimer les corps et les visages de cette savoureuse poignée d'interprètes. De la même façon la direction artistique est impressionnante, annonçant celle du complexe Despair, dont la lumière fut également composée par Ballhaus.
Roulette Chinoise figure également parmi les grands films cruels de Fassbinder, dépeignant une bourgeoisie victime de sa vanité ( le jeu du titre, reconstitué dans les vingt dernières minutes du métrage, en témoigne ), vanité qui amènera du reste l'un des protagonistes à commettre l'irréparable. La dernière partie de ce somptueux jeu de massacre est en elle-même un petit chef d'oeuvre, micro-suspense absolument passionnant à suivre et à regarder. On pourrait toutefois reprocher à Fassbinder une réalisation un brin démonstrative, voire trop visible dans sa virtuosité : en ce sens les nombreux travellings circulaires enveloppant les personnages se font sacrément sentir, pourtant en parfaite adéquation avec l'aspect ludique et interactif de la confrontation finale.
Artificielle et consciente de son état volontairement fabriqué Roulette Chinoise reste une oeuvre exigeante et magnifique, plutôt efficace dans son déroulement et savamment incarnée par ses interprètes ( Anna Karina et Volker Spengler en tête ). Un grand film annonçant l'exubérance de l'épilogue de Berlin Alexanderplatz, dans lequel Fassbinder reprendra le morceau Radio-Aktivität de Kraftwerk...