Le film se lance et mon cher ami, dont les yeux brillent déjà d'une flamme nostalgique, me prévient : "Tu vas voir, dans mon souvenir, c'est ultra-violent !". Le doute s'instille tout doucement : dans son souvenir, "Little Nicky" était un bon film. Et puis ça commence, lentement. Mon ami me précise : "Tiens, dans mon souvenir, ça commençait plus vite". Là, je commence sérieusement à remettre en question la qualité du film...
Ben Richards est un bon flic, un homme intègre, pilote d'hélicoptère de la police. Alors qu'il survole une manifestation de quinze cent personnes non-armées (lui explique le petit écran de son véhicule volant), il reçoit l'ordre d'appliquer le protocole alpha, ce dernier se résumant à tuer un maximum de monde en un minimum de balles (et que les méchants appliquent souvent à l'envers quand appliqué aux héros). Ben refuse, ses collègues s'échauffent et tout le monde se bat joyeusement dans un hélicoptère qui, fort heureusement, se pilote tout seul en attendant que le calme revienne à bord. Dès lors, ses collègues vont le charger à fond, tirant sur la foule et lui faisant porter le chapeau afin qu'il croupisse en prison. Prison sidérurgique où Schwarzy troque le tronc d'arbre de Commando pour une énorme poutre en métal qu'il porte seul et avec nonchalance ("quoi, c'est lourd ?"). De là, une évasion invraisemblable où les garde semblent concourir pour le prix du plus impotent, une trahison qui annonce une amourette digne de Commando ("je te trahis mais en fait, je t'aime et je vais me racheter en appréciant les contours virils de tes muscles bandés") et Schwarzy finit dans le Running Man, un jeu télévisuel où les participants doivent traverser une "zone de jeu", avec à leurs trousses des assassins entraînés et équipés, prêts à les massacrer tranquillement. C'est sûr, la version "jeu de plateau" doit quand même être moins attrayante.
Donc, on nous dit qu'il s'agit d'une critique des dérives de la télévision ? Ah. Bon, d'accord, le présentateur est assez génial, très bien joué, assez proche de l'idée que l'on se fait du monde de la télévision, qui aime toute son équipe, connaît le prénom de chaque technicien qui y travaille et méprise en réalité tout individu. Certes. Mais au-delà de cet unique personnage et des quelques très savoureuses présentations des fameux Traqueurs, l'équipe d'experts qui va se lancer aux trousses de Schwarzy (mauvaise idée !), il n'y a pas grand chose pour étoffer l'attaque contre le média phare. Pire encore, le film est une sorte de fac-similé de Commando, avec son héros incroyablement fort, sa plantureuse jeune femme qui trahit puis aide, ses blagues à deux balles et ses mises à mort "violentes" (bon, depuis le temps, ça a quand même bien vieilli). Le pire étant que Commando, lui, n'ayant pas grand chose à dire, se lâche dans un crescendo de n'importe quoi. Ici, The Running Man aimerait en dire plus, mais se prend les pieds dans le tapis. Une fois expédié un premier Traqueur, les décors industriels s'ouvrent sur une espèce de zone à ciel ouvert (mais on croyait que tout se passait en sous-sol ?!), un peu post-apo, sans aucun repère pour réussir à situer l'action, ce qui donne vaguement l'impression que les personnages tournent en rond pendant près d'une heure. Et, de fait, ralentit considérablement la progression du métrage, qui se met tranquillement en pause le temps d'envoyer d'autres Traqueurs qui mourront de façon plus ridicule les uns que les autres ("Oh non, mon arrivée d'essence !").
Le souci, c'est qu'avec son absence de motivation à faire progresser de façon construite l'action, dès que les personnages arrivent dans l'environnement ouvert, on se retrouve dans un petit train très casanier, à alterner les scènes dans les décombres, puis dans un environnement clos pour tuer un Traqueur, puis retourne au studio où l'émission est enregistré, puis les décombres. Le tout s'enchaîne avec une précision d'horloger, supprimant toute passion à l'objet. Résultat, on exulte même plus tant que ça quand Schwarzy s'attèle à tuer un bad guy ou lâche une blague bien comme il faut. Il fait le job, quoi...
Par rapport à un "Commando" qui donne l'impression d'assumer complètement son aberration constante, The Running Man essaye bien de marmonner quelques propos un peu convenus sur les médias, pour ensuite lancer une très mollassonne suite de petites scènes d'action courtes et vites torchés, sans grand panache. Ouais, une grosse déception, j'avoue, là où même "Commando" a trouvé une certaine grâce à mes yeux.