“Well, you're better than cool. You're warm.”
Après Coup de Cœur, expérimentation kitchissime et Outsiders, première incursion du côté de la jeunesse désœuvrée, j’attendais le pire de Rumble Fish.
Long clip à la plastique parfaite, d’un superbe noir et blanc, le film exhibe dès le départ ses prétentions esthétisantes, et poursuit avec une maitrise bien plus grande les thématiques d’Outsiders. Son intelligence est dans sa modestie : moins de personnages, plus de lenteur, moins de fureur. Plus arty, aussi, certes, jusqu’à l’agacement, notamment par ce « Rusty James » répété comme un mantra, ces petites affèteries dans le travail sur le son qui, s’il est souvent très intéressant, peut aussi se révéler superfétatoire, où l’omniprésence un peu lourde de la fumée.
Le gimmick des seuls poissons en couleur peut lui aussi prêter à sourire, et pourrait relever finalement de l’anecdote unique à retenir sur ce film si l’on n’y prêtait pas plus d’attention.
Les gros plans, l’attention portée au visage et aux déplacements, les chorégraphies des combats, tout atteste d’une fascination réelle pour le sujet, qui manquait cruellement aux films précédents. On pourra d’ailleurs tisser des liens assez forts entre ce film et Tetro, récit d’une fraternité contrariée en noir et blanc… Même s’il est un objet plus formel que charnel, Coppola capte tout de même une fièvre, celle des clubs, de la musique, de la violence, de la foule, et du grain de folie dans le regard des interprètes, Rourke (vraiment troublant de beauté et de sobriété) et Hopper en tête. Dillon, l’imbécile malheureux, se débrouille très bien dans ce registre, reste à savoir s’il a vraiment eu à bosser son rôle.
Qu’est-ce qu’être le plus cool ? Qu’est-ce qu’être fou ? A travers ces questions finalement très shakespeariennes sur le pouvoir et l’aliénation, rabaissées à un univers urbain et contemporain, Coppola répond par un film jouant sur les deux registres : le pouvoir de la mise en scène, l’étrangeté de certaines poses volontairement arty-ficielles. Et si son film n’atteint évidemment pas les sommets de ses chefs d’œuvres qui exploraient les mêmes thématiques, c’est surtout par volonté de son auteur, qui se veut plus intimiste et expérimental, avec une réelle tendresse pour ses personnages qui sont moins à considérer comme les porte-drapeaux d’une génération que les avatars de préoccupations esthétiques vectrices d’une émotion finalement assez raffinée.
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