S1m0ne
5.8
S1m0ne

Film de Andrew Niccol (2002)

« La seule vérité vraie c’est l’œuvre »

On ne peut sortir de Simone qu’abasourdi par tant de prouesses scénaristiques, par cet équilibre constant entre la fable, la farce et la réflexion sur la création artistique. Avant Ready Player One, Andrew Niccol ose se confronter à un sujet ô combien complexe car éminemment contemporain : la réalité virtuelle. Son génie tient dans le rapprochement qu’il opère entre cette même réalité virtuelle et la société hollywoodienne, toutes deux concernées par l’usage de faux à valeur de vrai où les acteurs feignent la passion, la colère ou la tristesse par obligation professionnelle, leurrant ainsi des millions de spectateurs, à commencer par nous. Surtout, Niccol illustre merveilleusement bien l’autonomisation progressive de la création qui se détache de son créateur pour acquérir une vie indépendante et propre ; Al Pacino – extraordinaire ici – perd peu à peu le contrôle de sa muse car le consommateur se l’approprie, y projette ses fantasmes, bâtit une nouvelle réalité dans laquelle elle s’inscrit. D’où la lente descente aux Enfers aussi hilarante que déstabilisante. La force visuelle du long-métrage traduit l’enfermement du personnage par une composition de plans symboliques : le réalisateur tout petit devant l’affiche gigantesque de son actrice, le carrelage qui aborde le couple sur la terrasse, la cage futuriste aux barreaux métalliques. Le génie est seul, sans cesse mis à l’écart par un plan qui joue habilement de l’architecture et des formes : ainsi voit-on Pacino œuvrer seul dans un immense studio vide avec, comme seul camarade, son ordinateur. Envers du décor. Car le regard porté sur le cinéma d’auteur témoigne lui aussi d’une lucidité assez triste : si un auteur veut être reconnu et accéder à une notoriété, il lui faut une vitrine alléchante avec, si possible, une actrice capable de se muer en effigie adorable et adorée. Car un créateur reproduit sans cesse la même œuvre qu’il décline selon une vision ; ainsi la police du nom dans le générique de fin ne change jamais, l’âme du métrage non plus. Ce qui fait la différence, c’est le miroir tendu au spectateur dans lequel celui-ci peut y projeter ses fantasmes. Simone est géniale, Simone est un tour de force.

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le 26 nov. 2018

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