Pauvre Sabrina, pauvre innocente et amoureuse Sabrina, pauvre Sabrina qui ne rêve que de strass et de paillettes et qui remise son intelligence (celle du cœur) au placard face à un amour qui la rend aveugle. Raconté comme ça, le Sabrina de l’excellent Billy Wilder ne donne pas envie et ressemble juste à une bluette de plus, à une de ces romances à l’eau de rose remplies de moment heureux jusqu’à l’écœurement. A ceci près que Billy Wilder apporte sa créativité, sa classe et son regard critique de metteur en scène, Sabrina a ce charme qui fait que le soufflé ne retombe pas après cinq minutes de film comme dans la plupart des autres films.
Sabrina est cette fille de chauffeur de maitre d’une des plus riches familles New-Yorkaises, amoureuse folle de l’inaccessible fils de la famille, David. Grand mal l’en prend puisque David, en plus de ne pas appartenir à son monde, n’est qu’un coureur de jupons déjà marié trois fois, à l’inverse de son frère Linus, qui ne pense qu’à faire prospérer toujours plus les affaires de la famille. Le temps faisant assez bien les choses, Sabrina se retrouve envoyée à Paris par papa pour y apprendre les arts culinaires et en revient au bout de trois ans métamorphosée en gravure de mode qui fera finalement tourner la tête du superficiel David qui ne l’avait jamais remarquée avant de la trouver belle. Mais comme l’amour a ses raisons que la raison ne connait pas, Sabrina se rendra vite compte qu’elle a grandit et désire désormais un amour de jeune femme.
Il y a le genre de la comédie romantique, genre très souvent sous-évaluer à juste titre puisque peuplé de films catastrophiques véhiculant les mêmes poncifs et les grosses ficelles éculées depuis l’homme de Néandertal. Parmi ce magma, infâme surnagent quelques pépites comme Sabrina qui doivent plus au doigté de leur metteur en scène et au talent de leurs acteurs qu’à des sujets révolutionnaires. Sabrina survole le genre en évitant très largement la niaiserie et en proposant quelques regards critiques sur les classes sociales, sur la condition des femmes qui seraient destinées à casser des œufs toute leur vie, mais aussi sur le poids de la famille sur la liberté des individus qui la composent. Ne prenez pas peur pour autant, il y a ici de beaux sentiments, des robes à couper le souffle sur le corps d’Audrey Hepburn, de longs baisés langoureux et des violons par containers entiers. C’est tellement bon quand c’est bien fait, si bon qu’on découvre après une demi-heure de film qu’on a, vissé au visage, un large sourire qui va d’une oreille à l’autre.
Sous la houlette de Billy Wilder il y a ce trio d’acteurs presque idéal : William Holden en homme à femmes fou de leurs corps, fou de leurs sourires. Humphrey Bogart promène comme toujours sa carrure un peu gauche assortie des plus beaux yeux de chien battu du cinéma. Audrey est quant à elle rayonnante, elle irradie de beauté, de fraicheur et de douceur de vivre un film qui ne peut que faire d’elle le centre de l’attention. Ce regard, ces sourires, cette moue tellement fondante, comment ne pas lui donner instantanément son cœur en plus du bon Dieu sans confession ? Quelle amoureuse formidable, la voir évoluer avec tant de grâce naturelle dans ce film vous fait exploser le cœur d’un amour qu’il ne peut contenir, l’embrasser juste une fois et mourir…
Après le bémol d’une tentative de suicide qui est trop vite amenée et qui est mal jouée, que reste-il de cet amour ? Il reste au coin des lèvres cette sensation d’un baisé doux et frais déposé par des lèvres dessinées par un peintre inspiré, cet état de béatitude propre à ceux que la vie vient de combler une bonne fois pour toutes, ce refus de revenir à une réalité qui forcément sera moins belle que cette femme qui semble promettre qu’elle vous rendra heureux quel qu’en soit le prix. C’est beaucoup mais c’était tout ça, Audrey Hepburn… Sabrina restera une de ses plus fidèles ambassadrices, à jamais…
P.S. : Oui ce titre est une honte, mais c’est si marrant et ça colle à l'histoire...