Sachez reconnaître le Japonais : il est petit, méchant, violent, perfide, et il crie "Banzaï !"

"Know your Enemy : Japan" est de loin le "meilleur" film de propagande que l'on puisse voir, le plus efficace, le plus implacable. Ce n'est même plus de l'essentialisation, mais une forme supérieure de sublimation. À l'issue de ce pamphlet à la gloire de la nation, on n'a qu'une seule envie : aller demander la nationalité américaine à l'ambassade la plus proche. Tout en essayant de ne pas sursauter en croisant le premier Japonais venu : un "Banzaï !" et ce serait la crise cardiaque assurée.


À noter, ce documentaire sorti le 9 août 45, soit trois jours après le bombardement de Hiroshima et le jour-J de celui de Nagasaki. Autant dire qu'il s'est avéré aussi persuasif qu'inutile : la guerre était déjà finie.


C'est un document à voir et revoir en boucle tant il schématise une vision du monde et de l'étranger (avec les fameux "bons" et "mauvais" individus), tant il porte en germes l'idéal de grandeur morale, par opposition à la barbarie affichée, que les États-Unis se plaisent à revendiquer. Pendant les trois premiers quarts d'heure, sous prétexte de mieux comprendre la nation japonaise pour mieux la combattre, Frank Capra (sic) égraine les pires clichés racistes du genre. Le Japonais est fourbe. Le Japonais est petit. Le Japonais est méchant. Le Japonais est traître. Le Japonais veut conquérir le monde. Le Japonais est violent. Le Japonais est perfide. Le Japonais obéit aux codes pervers du bushido. Le Japonais se croit supérieur. Le Japonais obéit à des lois religieuses stupides. Le Japonais a renâclé a l'idée d'ouvrir ses portes au commerce extérieur et au saint marché international et l'utilise maintenant pour nous détruire économiquement. Le Japonais prend des photos chez nous comme un espion. Le Japonais joue à des sports idiots. Le Japonais vend de la mauvaise bière aux Allemands, du mauvais whisky aux Écossais, des mauvaises allumettes aux Suédois, de la mauvaise soie aux Italiens, et des mauvaises brosses à dents aux Américains. Le Japonais n'aime pas la liberté. Le Japonais crie "Banzaï !" très très fort.


Et le pire du pire : le Japonais est endoctriné depuis la naissance afin qu'il obéisse à une horrible idéologie mortifère qu'il souhaite répandre sur l'ensemble de la planète.


Heureusement, la note finale est résolument optimiste et la conclusion dans le dernier quart est assez spectaculaire : le Japonais va se faire latter la gueule par nos valeureux GIs, par notre flotte toute-puissante et par notre aviation supérieure (maintenant qu'elle n'a plus à botter le cul à la Luftwaffe). Le plus drôle, évidemment, vu de 2017, c'est qu'on imagine parfaitement que le même film aurait pu être tourné par le Japon, en retournant simplement le miroir et en conservant les mêmes critiques et le même argumentaire. Un modèle de propagande, en somme.


Et un an plus tard, Frank Capra réalisait "It's a Wonderful Life". Rien de plus normal.

Morrinson
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le 11 avr. 2017

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