"Sacro GRA" figure en bonne place dans le palmarès des documentaires aux intentions forts louables sur le papier mais qui ne sont pas parvenus à donner pleinement corps à leurs ambitions. Tout juste atteint-il le statut de curiosité divertissante. Mais il s'accompagne également d'un arrière-goût un peu trop amer, celui de l'expérimentation ratée, ou du moins de l'essai pas parfaitement transformé.
Le GRA du titre, c'est le périphérique annulaire qui encercle la ville de Rome : le "Grande Raccordo Anulare". Gianfranco Rosi, dont on a récemment entendu parler pour son documentaire "Fuocoammare, par-delà Lampedusa" à mon sens bien plus réussi, entend ainsi dresser le portrait d'une communauté résidant dans les environs de ce périphérique, par petites touches successives et bigarrées. On passe sans transition et sans souci de continuité d'un portrait à un autre, d'un lieu à un autre, d'une famille à une autre. Un ambulancier au travail et dans ses activités personnelles, un botaniste amateur préoccupé par l'invasion de larves de charançons qui peuplent des palmiers, une sorte de prince dans son palace à la décoration plutôt baroque, un pêcheur d'anguilles, et des habitants de HLM filmés depuis leurs fenêtres, de l'extérieur, dans une série de cadres rigoureusement identiques. En marge de ces portraits, d'autres personnes, DJ, prostituées ou dévots divers, apparaissent de manière plus succincte.
On comprend aisément l'idée qui sous-tend le documentaire, à savoir donner une image décentrée de la périphérie de Rome à travers cette galerie de personnages qui peuplent les abords dudit GRA. La liberté du fil conducteur et du montage est appréciable, mais un fil rouge un peu plus conséquent fait cruellement défaut. C'est un peu comme si Rosi s'était noyé dans le torrent d'informations et de personnes qui s'étaient offertes à lui, et comme si il nous en avait restitué l'expérience en désordre. La mosaïque de portraits est suffisamment riche et sincère pour valoir le détour, dans une certaine mesure, en alternant entre singularité et normalité, instants mémorables et oubliables, tons normaux et surexposés, montage en une seule séquence et succession de plans fragmentés. Dommage que l'ensemble finisse par s'égarer en chemin, faute de charpente concrète, et par tourner en rond.
[AB #196]