- Pour moi écrire c'est justement ça, trouver un don... enfin peut-être que pour vous ce n'est pas ça du tout.
- Moi je pense qu'écrire c'est inventer ce que l'on sait déjà... mais c'est une phrase toute faite.
- Peu importe, elle est très belle.
- Vous aussi.
Je ne sais si l'image qu'on lui donne dans ce film lui colle bien. Peu importe peut-être. Tant mieux même, peut-être aussi, si la Sagan n'est pas exhumée. Elle est en tout cas ici à la fois légère et exigeante, toujours l'air à la fois mutin et grave. À te bousculer par les mots pour aller à la plage. Ou pour te dire comment elle va. Surprenante de sincérité, jusqu'à mentir ouvertement face à la mort, puisqu'on le fait tous en cachette ; et sincère dans les surprises qui sortent de sa bouche. Elle prend, de court, impatiente qu'elle est. C'est forcément sensuel. Un poil sado-maso. Sans le cuir. Plutôt léopard.
Ce « vous aussi » est drôle, bien placé comme une chute travaillée. C'est un film me direz-vous, c'est normal, c'est du dialogue. Oui, mais non... ce n'est pas rien ici. Car ces mots qui sentent bon sont, j'ose imaginer, une fidélité au réel. Il y a des admirateurs, trop peut-être. Ils l'aiment pour la petite musique qu'elle met dans le quotidien. Car les bons mots qui sonnent comme une chute ne le sont que par la force des choses, et c'est d'abord le cœur en pulpe qui parle (permettez-moi d'être un peu cucul, c'est ici d'apparat). Si c'est drôle c'est juste que c'est nouveau. Ça contraste avec l'apparat des graves. Des éditeurs et des journalistes. Des admirateurs mêmes. De ceux qui paniquent un peu pathétique à l'idée de se voir siffler leur dédicace. C'est une sincérité qui donne l'illusion de la force, l'illusion de la résilience en tout cas ; quand, pourtant, peut-être, le petit corps frêle est davantage à l'image de l'esprit, que l'esprit ne voudrait le faire croire. Un petit corps, comme l'esprit, toujours sur la brèche de la mélancolie.
- Je ne sais pas vraiment pourquoi on écrit. Ni pour qui. Je ne suis pas sûr que ce soit pour le public. Je crois qu'on écrit pour trois ou quatre personnes qu'on aime et qui vous croit forte, alors qu'on est fragile. Et qui ne savent pas que d'un mot on peut vous mettre à terre. Parfois le coup est si rude que tout se met à flotter.
Stupeur.
À l'inverse, quand on confond le tact avec le talc... enfin bon, c'est un problème de célébrités.
Je suis un peu amoureux de Sylvie Testud. Elle risque de hanter mes prochaines lectures de Sagan. Elle nous rend bien, dans sa morphologie qu'elle n'a pas choisie, et ses attitudes qu'elle a probablement travaillées, l'idée d'un petit corps puissant et chaleureux, avide de plaisirs et d'amour vrai, qui devrait être éternel pour le bien de l'humanité.
Et cette intonation, toujours un peu boudeuse, qui donne à toutes les phrases l'apparence de la poésie. C'est l'accent du vieux Paris ça non ? À la fois théâtre et pavé.
Comment se faire à l'idée de perdre un tel bout de femme ? Et qu'elle puisse un jour être véritablement triste ? Ou pire, avoir peur... J'ai chialé tout du long par anticipation. J'aime pas les biopics. Comme je n'aime pas les noms sur les livres.
À la fin j'ai pleuré pour essayer de la consoler.
- Bonjour tristesse, un petit whisky ? - Non merci je ne bois pas. - Et bien tu n'es pas drôle, je boirai donc pour deux.
EDIT: petit big up aux artifices de vieillissement des acteurs qui sont parfois tout à fait et délicieusement ratés. Globalement je ne pense pas que le film soit très bien réalisé, et la direction des acteurs est très inégale, de pire en pire au fur et à mesure. Comme un entonnoir. Comme celle des pantalons à pattes d'éléphant. Testud elle-même finit la dernière demi-heure dans sa barbe, drôle et baclée, ce qui fait peut-être sens je ne sais pas...