Couvert de prix au festival du film fantastique de Gérardmer l’année dernière, quand les intéressants Vivarium et The vigil, en tout cas plus intéressants que Saint Maud, sont eux repartis bredouilles, le premier long métrage de Rose Glass procure pourtant un sentiment prononcé de déception tout en amenant à cette interrogation : pourquoi tous ces prix ? D’autant que le potentiel et certaines qualités sont là, indéniablement, à commencer par une réelle ambition artistique et la révélation Morfydd Clark qui, pour son premier grand rôle, impose une présence et un trouble impressionnants, quelque part entre la Carrie de Sissy Spacek et les héroïnes tourmentées de Dario Argento.
Du potentiel et des qualités donc, mais qui ne suffisent clairement pas à palier un scénario qui ne raconte pas grand-chose, un rien embrouillé et échouant à développer en profondeur les enjeux dont il se nourrit. On sent, dans cette histoire d’une infirmière au passé trouble semblant possédée par une foi, ou serait-ce une entité dévastatrice, ou s’imagine-t-elle investie d’une pseudo mission divine en cherchant à "sauver" quelques âmes perdues, que Glass a une approche confuse et hâtive de sa narration en voulant aborder plusieurs genres et évoquer plusieurs thèmes à la fois, en particulier l’isolement social et le mysticisme religieux, pour finalement perdre son personnage dans un manque de nuances et d’originalité banalisant (voire caricaturant) les maux qui le rongent.
Après une introduction qui paraît lancer le film vers une direction horrifique en suggérant une menace indicible, on passe à un récit dans une grande demeure avec possible relation/domination saphique louchant vers le Persona de Bergman, puis à l’observation d’une dévotion aiguë et d’un mal-être existentiel proches de la folie, pour enfin aboutir à une conclusion certes glaçante, mais qui ne dira pas plus que ce que l’on devinait déjà alors que Glass s’évertue, pendant toute la durée de son film, à faire planer le doute sur une possible connexion surnaturelle. Saint Maud paraît vouloir s’inscrire dans cette nouvelle approche de la peur et de l’épouvante initiée par Ari Aster, Robert Eggers ou Jennifer Kent (quasi absence d’effets, rythme lent, tensions psychologiques…), mais n’y parvient malheureusement qu’à moitié, faute de trop flirter avec l’anecdotique.
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