Un beau jeune homme, Dominic (Félix-Antoine Duval), prompt à convertir le réel en rêve, est amené à remonter le cours de son existence et à repartir vers sa source, incarnée par une mystérieuse femme à la réputation de sorcière (Tania Kontoyanni). Au fond des bois où la belle dame abrite ses amours saphiques, Dominic ne se découvrira pas seulement une mère, mais peut-être aussi une sœur (Alexandra Petrachuk). Quant au monastère voisin, où le Père Andrew (Andreas Apergis) plie à ses volontés, voire à ses désirs, les jeunes moines qui lui sont soumis, ne recèle-t-il pas, pour Dominic, un frère, un jumeau, un double ? Pour ce jeune homme sensuel épris de sa propre image, à l’exemple de toutes celles et de tous ceux qui posent leur regard sur lui, cette rencontre avec un autre lui-même ne pourra être que puissamment troublante...
Porté par la très belle photographie de Michel LaVeaux, déjà chef opérateur sur l’audacieux « Gerontophilia » (2014), le réalisateur Bruce LaBruce déroule un scénario, co-écrit avec Martin Girard, entre rêve et réel. L’image, aussi esthétique pour peindre les environnements urbains que la pleine nature, apparaît constamment saturée, comme dans les tableaux de Vuillard, ce qui lui confère un caractère très intimiste et crée l’impression que les personnages évoluent toujours dans un intérieur, même à l’air libre. Une forme qui ne lâche pas la main du propos et de cette quête matricielle, où il sera enfin possible de reconquérir un bonheur gémellaire. Tout à la fois, l’intrication étroite du phantasme et de la réalité, le premier n’en finissant pas de modeler et d’orienter la seconde, ouvre sur une belle ligne de fuite finale, qui permettra d’esquiver le tragique.
Outre la thématique du rapport à soi et du double, thématique annoncée par le titre qui sonne comme un joli ricochet offert au « Pink Narcissus » (1993) de James Bidgood, le réalisateur canadien pousse assez avant le questionnement autour de ce premier lieu que fut une mère. On ne s’étonne que modérément de voir surgir au générique le nom du talentueux réalisateur québécois Maxime Giroux, ici directeur du casting, tant il est vrai que Bruce LaBruce, au-delà de son image sulfureuse, livre ici une œuvre qui invite à se pencher sur les interrogations les plus intimement enfouies.