Mika Nikagawa propose, avec Sakuran, une approche plutôt pop et électrique du Japon de l'ère Edo, nous parachutant dans le microcosme d'un bordel qui voit se côtoyer toutes les strates d'une société hyperhyérarchisée. Certes, les castes ne se mélangent pas mais il est des endroits où elles se croisent, se frôlent, se disputent le pouvoir à coups d’œillades concupiscentes et de lèvres outrageusement purpurines. Ainsi est-il donné à Kyoha de conduire son destin plutôt que de le subir, mais comme il lui est difficile de rester dans les tristes ornières tracées par des générations de courtisanes contraintes de chercher le "mieux "à défaut de pouvoir accéder au" Bien".
Car la misère et l'avilissement sont bien là, cachés sous des fastes prompts à séduire le mâle et dont la violence chromatique nous rappelle que c'est bien d'une lutte pour vivre qu'il s'agit. L'emploi anachronique d'une musique contemporaine insuffle, à un sujet maintes fois traité, un parfum d'insoumission et un raffinement qui dépasse l'esthétique convenue. Anna Tsuchiya campe formidablement cette fleur suscitant haines et passions, contrastant sulfureusement (oups! Je viens d'inventer un adverbe), par son esprit libre et pugnace, avec ses fades consœurs. Le fond et la forme s'affrontent puis s'unissent pour révéler une œuvre unique et atteindre le précaire équilibre de l'excellence.
Moi, j'ai d'ors et déjà succombé à ce délicieux sakuran(désordre).