Le clin d'oeil (de boeuf !), pour inconditionnels de Claude Chabrol, va de soi. Parce que c'est le métier du personnage central, campé par Victor Lanoux développant une fois de plus un puissant abattage de jeu dans la peau d'un sale type. Et parce que Sylvain Madigan, alors nouveau venu à la mise en scène, se voulait semble-t-il le digne héritier du cinéaste le plus tête de lard de la Nouvelle vague. Question de style bien entendu, tout en humour féroce, ironie grinçante, jubilatoire charcutage des principes ! Le ton est donné avec l'affiche du film, réjouissante parodie de celle d'"Autant en emporte le vent".
Et que dire des personnages qui s'agitent sur l'écran. C'est bien simple : il n'y en a pas un pour racheter les autres. On a droit, en effet, à une galerie de portraits à travers (de porc !) lesquels sont cernés les pires tares de la nature humaine : lâcheté ; stupidité ; malhonnêteté ; cruauté ; perversité... Le tout rimant avec outré.
Au coeur du récit, ce boucher qui personnalise en quelque sorte le comble pour sa profession. Il figure sur des photos cochonnes (!) qui font de lui la victime de maîtres-chanteurs. De petits escrocs minables qui lui tombent régulièrement sur le râble (de lapin !), l'un étant le protecteur de la prostituée de service, en l'occurrence la partenaire sexuelle compromettante. Ha-bitée par l'appât du gain, sans même avoir les foies (!) vis-à-vis du S.I.D.A., elle est d'autant plus compromettante qu'elle joue régulièrement à la bête à deux dos avec le commerçant insoupçonnable. Encore que, question néo-Poujadisme...
Au magasin, tout en trouvant le temps de tyranniser ses employés, il stocke les photos chaudasses en chambre froide, dans un coffre dissimulé parmi les demi-boeufs !
A la maison, l'attendent une femme atteinte de mythomanie galopante ; et une fille genre pouliche fantasque, partagée entre un loubard avec du mou de veau à la place du cerveau et un type dont la principale qualité est l'inconsistance psychologique.
Bêtise humaine en concentré qu'on vous dit, ça ne fait pas un pli (de saucisses !).
Un beau jour, le boucher en a marre de jouer les vaches à lait ! Il décide de ne plus payer. Intervention saignante des truands qu'il engage... Pour mieux se faire doubler par eux ; et d'un policier tellement irresponsable qu'il finit en prison pour 20 ans !
Bref, pour caricaturer des situations en prise directe sur la double vie d'un parvenu du commerce de viande, Sylvain Madigan ne fait pas de quartier ! C'est aussi à ce niveau, à force, que réside, pour beaucoup, la faiblesse d'un tel film. On peut considérer être pris pour une andouille quand vire (!) à l'outrancier le côté odieux des personnages. Au risque de finir par se désintéresser d'eux. Dommage, dans ce cas, pour les acteurs (casting dont on peut pas dire qu'il ne vaut pas tripette !), qui ont dû prendre beaucoup de plaisir à jouer sur la noirceur et l'irrationnel de leurs rôles respectifs.
Avec "Le Boucher" de Chabrol, la critique de l'époque avait au moins la certitude de ne pas miser sur un mauvais cheval !