Salò a tout du film interdit, irréalisable, le film du fantasme, j’avoue ne pas trop comprendre comment il a obtenu le budget nécessaire à sa concrétisation, mais en le voyant j’ai tellement l’impression de voir un bonhomme qui a obtenu l’autorisation de la réalisation d’un projet irréalisable, qui se lâche parce qu’il sait très bien que ça n’arrivera pas deux fois, je suis bien obligé d’être en admiration devant ce film.
Lorsque j’ai publié ma critique sur le roman l’an dernier, j’avais dit que je m’étais résolu à supprimé la critique écrite au sujet du film quelques mois auparavant parce que j’étais à côté de la plaque. Mais je dois quand même avouer que, comme pour tous les films du genre, il y a un genre d’adoration qui naît en moi, d’essayer de comprendre pourquoi le film existe, comme il a pu être réalisé, est-ce qu’il mérite son interdiction ou son éventuelle polémique. Evidemment, ici on est en plein dedans, le film est largement à la hauteur de sa polémique et j’avoue que lors de ce deuxième revisionnage (oui, quand il film me fascine de cette façon, j’ai besoin de le revoir, parfois souvent, parfois moins, pour pouvoir encaisser quand même) j’ai détourner le regard plusieurs fois. Quand je l’ai vu la première fois que je l’ai vu j’étais persuadé que ce serait le seul film que je ne verrais qu’une seule fois mais pas à cause de la médiocrité du film (eh oui, généralement quand on n’a pas envie de revoir un film, c’est qu’on ne l’aime pas). Mais quelques mois plus tard, j’ai eu la sensation que je n’avais pas compris quelque chose et qu’il fallait que je le revois.
Effectivement j’étais trop jeune et, quand je l’ai revu à ce moment-là, je me suis pris un sacré truc dans la gueule. Pendant ces quelques mois j’ai eu l’occasion de me documenté, d’y réfléchir, d’être sûr d’être prêt à le revoir, mais surtout de savoir à quoi m’attendre. C’est un moment hors du temps, j’en vois déjà certains dire que c’est le principe du huis-clos, mais là c’est tellement inhumain, sadique (évidemment que j’allais la placer), cruel et tous les adjectifs possible, qu’on en oublie le reste, ce qu’il y a autour, et que finalement, arrivé à la fin du film qui passe étonnement vite mais avec des scènes atroce qui donnent l’impression de durer des heures, il ne s’est finalement pas passé grand-chose.
Comme je l’ai dit, j’ai eu la sensation que toute l’équipe savait qu’ils n’auraient pas la possibilité de réaliser un projet pareil une seconde fois, ils mettent le paquet pour montrer le maximum, même ce qu’ils savent atroce, mais tout en enlevant certaines horreurs présente dans le livre. Le truc qui choc avec ce film c’est qu’il se permet ce que personne ne se permettrait, avant ou après d’ailleurs. On peut prendre Orange Mécanique, mais les scènes polémiques ne servent qu’à poser le décors et finalement on se rends compte qu’on ne voit pas grand-chose. Si on prends A Serbian Film, le sujet est horrible, mais le pire on ne le voit pas, on voit l’avant et l’après, mais pas l’acte. Ici, on ne nous épargne rien, lors des scènes les plus atroces on est peut-être pas en face, mais on reste extrêmement proche des personnages et ce jusqu’à la dernière minute, on pourrait penser que ça va se calmer sur la fin, mais c’est là que tout explose encore plus, le seul moment de répit apparaît en même temps que le carton de texte indiquant la fin de l’horreur que nous avons vécu jusque là. Justement, quand la fin arrive, qu’on voit tous ces gens fiers de ce qu’ils ont fait, danser et chanter en chœur, dans la joie et la bonne humeur, ça questionne beaucoup sur notre place dans tout ça, mais c’est là le but du film, nous faire réfléchir sur toutes les questions qu’on nous pose.
Maintenant, on pourrait se demander ce qu’il se serait passer si Pasolini était encore en vie, est-ce qu’il aurait été interdit de réaliser des films ? Est-ce qu’il aurait été emprisonné ? Est-ce qu’il aurait continuer de faire des films de ce genre ? Est-ce qu’il aurait fait bouger les choses ? Ou même simplement quelles étaient ses intentions derrière ce film ? Ça, nous ne le savons pas et nous ne le saurons jamais, il ne nous reste donc que ce film pourri, noir, empoisonné, qui a le goût d’un film dans lequel on pourrait croire qu’il savait que ce serait son dernier, alors qu’importe si il repousse ABSOLUMENT TOUTES les limites du supportable, si de toutes façons il n’y aurait plus rien ensuite ? Autant se faire plaisir. Il ne restera plus que les adorateurs, les détracteurs, la fascination, le questionnement et les revisionnages pour essayer d’avancer dans la compréhension de cette oeuvre indéchiffrable.