Pasolini, le fascisme et la modernité
C'est dans les années 70 que Pasolini réalisa ce film, adaptation libre du roman de Sade, qu'il eut l'idée de génie de transposer à une époque bien spécifique de l'Italie : la république de Salò, gouvernement fantoche instauré en 1943 avec à sa tête Mussolini (fraichement libéré des allemands, à l'époque où le sud était entre les mains des résistants). Il s'agit d'une époque où des humiliations de tout genre, parfois scatophiles, furent commises auprès des résistants : une période très sadienne en somme. Trois cycles se succèdent, les bourreaux sont des notables et les esclaves, de jeunes hommes et femmes, nus. Les décors sont somptueux, et l'issue, sans espoir. Pasolini livre, comme à son habitude, une critique virulente de la bourgeoisie notamment dans son art : les bourreaux de Salò, entre plaisanteries et tortures, échangent des citations de Nietzsche ou de Dada : art, frivolité, esthétique et fascisme se confondent. Le réalisateur dénonce le fascisme à un triple niveau :tout d'abord, le fascisme mussolinien ; mais aussi celui de l'époque du réalisateur (les années 60 et 70 voient resurgir en Italie des attentats d'extrême droite). Le coup de génie de Pasolini réside dans sa troisième dénonciation : le fascisme, c'est aussi celui de la modernité de son époque, marqué par le consumérisme, perçu par le peuple comme une liberté : les victimes se laissent trainer en laisse, aboyant tels des chiens, et mangent leur propre merde en souriant. C'est là toute la subtilité de la pensée d'un artiste de gauche, mais qualifié par certains de réactionnaire, car il n'aimait pas son époque et sa modernité ambiante. Il mourut d'ailleurs quelques mois après la sortie du film.