Saltburn
6.2
Saltburn

Film de Emerald Fennell (2023)

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"By God, I loved him !"


Fraîchement entré dans une université anglaise prestigieuse, Oliver, un jeune étudiant brillant et solitaire devient vite fasciné par Felix, un éphèbe fortuné et admiré par tous. Par un concours de circonstances, les deux camarades se lient d'amitié et Felix invite Oliver à passer un séjour à Saltburn , sa fastueuse demeure familiale...


Waouh ! On avait bien remarqué que la mise en scène et la direction artistique de "Promising Young Woman" imposait d'emblée Emerald Fennell comme une réalisatrice à suivre de près (le manque de nuance sur l'uppercut féministe que le film voulait incarner nous avait cependant moins séduit) mais rien ne nous avait préparé au cap formel qu'elle franchit là avec ce deuxième long-métrage !

Visuellement, "Saltburn" est époustouflant. Une merveille de chaque instant, où s'imprégne d'un plan à l'autre l'essence de la solitude, de l'obsession, de la manipulation, de l'égoïsme ou, plus globalement, de la décadence humaine dans une espèce de feu d'artifice incessant, invariablement subjugant et à la direction artistique toujours plus impressionnante pour faire de l'image la puissance narrative première du film. Des décors d'une faculté prestigieuse aux fêtes dignes de l'exubérance hors-sol d'une cour royale en passant par la folie rampante d'une chute annoncée au sein du fameux domaine de Saltburn, Emerald Fennell fait ressortir avec maestria à l'écran les états d'âme de ses personnages avec un sens du cadre et de sa composition jamais pris en faute pour s'en rapprocher au plus près, en plus de nous laisser bouche bée par cette beauté qui leur est inhérente, parfois d'ailleurs mêlée aux rires ou au malaise de ce qui s'y trame.


"I wasn't IN love with him."


Sur le fond, les méandres pensés comme labyrinthiques de "Saltburn" le sont évidemment un peu moins, nous immergeant d'abord dans un schéma habituel d'intégration à un milieu inaccessible par le fantasme absolu que représente Felix pour Oliver (et, plus largement, celui qu'il a pour cette caste fortunée anglaise) avant de glisser plus frontalement vers le thriller psychologique teintée de comédie noire dont les finalités, certes bien menées, ne sont pas des plus renversantes en termes de rebondissements. Mais là encore, couplé à une interprétation de haute volée (Barry Keoghan en tête, quel acteur!), le film est transcendé par la manière dont Emerald Fennell s'empare de ses protagonistes pour en faire une matière brute colorée qu'elle restructure avec une méticulosité envoûtante sur les tableaux vivants de maître délivrés par "Saltburn".

À l'instar du regard d'Oliver sur Felix, le nôtre est définitivement hypnotisé par la galerie de séquences géniales que Fennell nous propose de visiter et dans laquelle on se perd volontiers jusqu'à cette ultime envolée qui arrive à nous remettre en tête pour un très long moment le tube "Murder on the Dancefloor" de Sophie Ellis-Bextor. Peut-être que comme Oliver dans sa funeste odyssée, notre sentiment de complétude ne sera pas total vis-à-vis de "Saltburn" auquel il manque sûrement ce léger plus qui aurait définitivement déclenché chez nous le plus irrémédiable des enthousiasmes. Mais, bon sang, quel film ! Et quelle réalisatrice !


"I loved him. I loved him. I loved... HIM."

RedArrow
8
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le 5 janv. 2024

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RedArrow

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