Sam Now
Sam Now

Documentaire de Reed Harkness (2022)

"Sometimes maybe we can catch a glimpse of the cycle we're in ...

... and see for a moment how everyone is playing out their own version of a story that came before."


C'est un genre cinématographique à part entière, un sous-registre documentaire bien fourni : le film familial avec toutes ses variations, en termes de professionnalisme, de rigueur esthétique, de taille du champ sondé, et de degré de pénétration dans la sphère intime. Sam Now appartient à la frange de ceux qui investissent la dimension familiale en profondeur, dans une approche intimiste feutrée mais franche, avec ce genre de suspense tenant à la révélation d'événements marquants qui suivrait presque un scénario digne de fiction.


Dans le jeu des comparaison, c'est un documentaire qui secoue la famille et remue les secrets enfouis au fond d'un tiroir à l'image de Tracey Arcabasso Smith dans Relative (une enquête autour d'agressions sexuelles au sein d'une famille italo-américaine), et dans le même temps une captation très intime de la résurgence de traumatismes passés au long cours, comme le faisait Minding the Gap de Bing Liu avec trois amis unis autour du skate sur une durée de 12 ans.


Le sujet est bien différent dans le docu de Reed Harkness, qui semble avoir eu une caméra vissée au bras toute sa vie pour avoir collecté des images sur une trentaine d'années environ, du début des 1990s au début des 2020s. Une famille constituée de deux segments, des frères partageant le même père mais issus de deux mères différentes, qui subit de plein fouet un événement rare : du jour au lendemain, la mère de deux d'entre eux disparaît soudainement sans laisser la moindre explication.


La beauté de Sam Now tient essentiellement au fait que la disparition survient au sein d'un tissu familial très bien documenté, riche en vidéos de plusieurs époques et de formats variés, et très bien coupées / agencées au montage — sur fond de musiques provenant de chez Dead Moon (D.O.A.), The Sonics (Cinderella, Psycho et Strychnine) et Smog (Rock Bottom Riser) notamment. Le contexte dans lequel cette éclipse maternelle arrive est rendu familier, surtout au moyens de bouts de film amateur mettant en scène un personnage idiot de super-héros masqué constituant un délire partagé, et son impact sera observé sur le temps très long (mais le film est resserré sur 90 minutes concises) : Reed pose son regard sur son demi-frère Sam, surtout, et il s'embarquera avec lui dans un voyage pour percer un mystère et retrouver la mère disparue alors que Sam n'avait que 14 ans.


Il y a énormément de sujets passionnants autour de ce documentaire, tous liés à la famille. Le silence qui entoure cette disparition, notamment chez les parents et grands-parents ("I don't tell my mother my deep dark secrets. That's the way our family is"). La différence de réaction profonde chez les deux enfants, l'un semblant dériver lourdement et perdre pied, l'autre restant insensible à la situation, du moins en apparence. La beauté de certaines retrouvailles et de certaines réconciliations. Les blessures qui ne se refermeront probablement jamais et la lucidité folle concernant certains épisodes émotionnels ("Well, I don't think any good can come from me believing she did the wrong thing. Whereas, I think there's a lot to gain from me trusting her still").


On a la chance de pouvoir observer les fils de cette disparition se faire et se défaire au cours des longues années, le monde suspendu dans lequel les frères ont vécu, et l'ouragan émotionnel suscité par des retrouvailles avant que des doutes existentiels plus profonds ne fassent surface, fatalement. Sam Now observe au détour du parcours de Jois, la mère, née d'une mère japonaise et d'un père américain qui l'ont abandonnée, la façon dont les traumas peuvent être passés de génération en génération. Comme le dira très justement Reed, "When we started this, all Sam wanted was to get his mom back. Did he ever get her back? I don't know. We may try to change things, but we end up in the same place. Replaying our scenes over and over, generation to generation. Sometimes maybe we can catch a glimpse of the cycle we're in and see for a moment how everyone is playing out their own version of a story that came before." Ce niveau de clairvoyance sentimentalo-familiale est pas loin d'être bouleversant.


https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Sam-Now-de-Reed-Harkness-2022

Morrinson
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le 23 août 2024

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