Nous sommes en 2002, en juin plus précisément, il fait chaud, il fait lourd et c'est la fête du Cinéma. Pour 1.50 euros tu peux voir tous les films alors tu te dis qu'à ce tarif là autant faire un marathon et voir le maximum de trucs. Quand je dis "le maximum" ça veut bien entendu dire écumer tous les séances possible, dans tous les cinémas de la ville. L'amour du lard peut-être...
Toujours est-il que tu te retrouves dans la queue du multiplex prêt de chez toi à devoir choisir quel film voir. Consciencieusement tu as noté dans ton petit passeport "fête du cinéma" les films que tu as déjà vu, histoire de ne pas voir "Feu de Glace" une seconde fois, ça ferait tache pour ta réputation. "Samouraïs" un hommage à Jean-Pierre Melville ? Qu'importe, c'est 1,50 euros, alors tu prends sagement ton ticket. Tu rentres dans la salle et tu te retapes pour la 25 ème fois, en trois jours, la bande annonce de "Men In Black II", parait que ça sera le blockbuster incontournable de l'été 2002.
Mécaniquement, tes lèvres récitent toutes seules la pub pour les bonbons Haribo quand, enfin, le film se lance.
Avec effroi tu contemples un spectacle embarrassant, filmé n'importe comment, avec des japonais qui se tapent dessus dans des chiottes. Plus tard il y a les pires acteurs du monde qui récitent des dialogues affligeants. Juste après, une ridicule incarnation démoniaque enfante une nana dans son sommeil. Tu comprends rien, t'en as déjà raz-le cul et tu jettes un oeil à ta montre, avec le secret espoir que ça soit presque fini.
Putain, ça fait même pas un quart d'heure !
Le poids d'une bonne éducation t'empêche de quitter la salle en déféquant sur le sol comme il se doit. Alors il ne te reste plus qu'à loger ta tête dans le creux de tes mains, en espérant que la douleur passe.
Le temps passe et tu t'aperçois que te cacher dans tes mains n'est pas très efficace.
Soudain, l'écran deviens noir, la salle reste plongée dans l'obscurité. Pendant un moment : le silence.
Incrédule, l'audience se demande ce qu'il se passe. Tu regardes autour de toi, tu hésites, après tout le film est tellement nul que ça pourrait être un énième choix débile de mise en scène. C'est alors qu'une porte s'ouvre. Dans la salle, pas dans le film. Un vigile, une lampe-torche à la main, t'informe que les plombs ont sauté et qu'il faut par conséquent évacuer.
Comme la manifestation d'une entité supérieure et miséricordieuse, un éclair avait frappé le Cinéma. Athée convaincu que tu es, c'est à ce moment là que, pour la première fois, tu doutes. Le sentiment d'avoir été sauvé t'envahi. Juste avant de quitter la salle le vigile te dit que tu peux te faire rembourser ta place, si tu veux.
UN PEU QUE TU VEUX TE FAIRE REMBOURSER TES 1,50 EUROS !
Un miracle ? Un appel ? Aujourd'hui encore tu ne sais pas très bien ce qu'il s'est passé dans ce Cinéma mais une chose est sûr : des merdes du calibre de "Samouraïs" tu n'en verras pas beaucoup d'autres dans ta vie.