C'est sans aucun doute l'une des réussites de Cecil B. De Mille dans un genre où il connut ses plus gros succès, malgré son traitement des civilisations antiques très discutable. Je le trouve cependant inférieur aux Dix commandements version 1956, mais il garde une indéniable force. Les détracteurs se sont déchaînés contre ce film en fustigeant la puérilité et les boursouflures des fresques bibliques en carton-pâte de De Mille, et le ridicule qu'il y a à réduire l'Histoire sainte à du vaudeville.
En 1947, au sortir de la guerre, le réalisateur eut du mal à imposer aux dirigeants de la Paramount un film biblique, car les producteurs pensaient que ça serait un échec financier ; le tournage nécessita 2 ans de travail, et une fois de plus, De Mille put déployer son goût de la démesure grandiose et coûteuse, au ton guimauve en célébrant sa façon de diriger des scènes de foule, sa simplification des textes sacrés, son esthétique kitsch aux bariolages pittoresques, et son utilisation du Technicolor. Ce fut donc un enchantement pour le public, mais De Mille s'attira l'animosité de la critique et des intellectuels pour les libertés prises par les scénaristes avec la Bible.
En dépit de tous ces griefs, on peut savourer ce grand spectacle certes un brin démodé et au côté toc par endroits, grâce à quelques morceaux de bravoure comme la scène finale avec l'écroulement du temple (effets spéciaux d'époque pas si mal), et grâce à un casting de grande qualité : Victor Mature le colosse des péplums à l'air benêt (mais qui vaut mieux que ça), Hedy Lamarr à l'aguicheuse sensualité dégageant un érotisme piquant, George Sanders toujours parfait en méchant cynique, Angela Lansbury dans tout l'éclat de sa rayonnante jeunesse, et Henry Wilcoxon, le fidèle ami de De Mille, présent dans tous ses films. Un triomphe de kitsch et parfois de mauvais goût, mais encore très plaisant à regarder.