[Article contenant des poils]
La première scène est sans doute la meilleure : un plan fixe de l'intérieur d'une bijouterie où se passe un braquage. De chaque côté de la porte, des yuccas. Au-delà, la rue. On voit le braqueur malmener le bijoutier, mais tout se passe hors champ. Puis l'alarme est déclenchée, les badauds accourent, conspuent notre héros coincé à l'intérieur. On le voit qui s'affaisse puis qui se tire une balle dans la tête. Séquence magnifique, le film part très bien.
Deuxième scène intéressante, plus par le fond que par la forme cette fois. Hussein et son beau-frère examinent le contenu d'un sac que ce dernier vient d'arracher à une femme. Un troisième larron intervient et évoque l'ingrédient majeur pour faire un bon voleur : l'honnêteté ! Il ne sert à rien de voler un sac contenant très peu, le bon voleur ne doit détrousser que les riches. Discours qui émeut assez peu Hussein, le héros de l'histoire. Rien ne semble l'émouvoir d'ailleurs, il est tout d'intériorité.
Ensuite ? On suit Hussein dans ses livraisons de pizzas, ce qui donne à Panahi l'occasion de dénoncer les travers de la société iranienne :
- la frustration sexuelle des hommes : avec le beau frère qui ne cesse de "mater tout ce qui bouge" ; avec la scène du livreur qui a la plus belle femme... et qui en sera puni dans un accident ;
- les rapports de classe : Hussein livre chez les riches, qui n'échappent pas, malgré leurs efforts, à la condescendance ; la scène la plus forte est certainement celle chez le bijoutier qui, dans un premier temps, ne les laisse même pas rentrer puis, alors même qu'Hussein a revêtu son plus beau costume, ne lui adresse pas un regard, puis finit par lui recommander d'acheter de l'or parce qu'on peut le revendre "en cas de besoin" ;
- la police des moeurs, avec la scène des flics faisant le pied de grue en bas de l'appartement où des bourgeois font la fête... la revanche du peuple sur les nantis ?
- l'hypocrisie de la religion : l'alcool coule à flot en cachette, on boit "pour boire" comme critique le riche de la longue scène dans l'appartement luxueux ;
- les rapports hommes-femmes : compliqués, comme on le voit lorsque la fiancée de Hussein s'adresse à lui sur la mobylette ; malgré son franc-parler, elle est en situation de faiblesse : les oppressés oppriment plus faibles qu'eux.
C'est cette humiliation (culminant avec la scène de la bijouterie ou Hussein se sent asphyxié) qui pousse le héros à son geste. Avant cela, il aura lâché un rot bruyant sur la ville illuminée.
Tout cela semble assez riche, et les films de Panahi se bonifient avec le recul (Taxi Téhéran m'a fait le même effet). Pourtant, je n'ai guère été captivé par l'action qui se déroulait, ni par les qualités purement formel du film (à l'exception de la première scène donc). Impression aussi d'un film un peu didactique, qui cherche trop à faire passer des messages sur les travers du système iranien, que, certes, Panahi subit de plein fouet.
D'où ce modeste 6,5.