La structure très codifiée du film noir à flashback et les traits un peu épais qui alimentent de nombreuses caricatures ne sauraient complètement désactiver l'intérêt de ce film prenant pour cadre un homme dont le salut ne tient qu'à la boxe. Quand on apprécie le genre, on ne se formalise pas des passages attendus, presque obligés : la séquence inaugurale posant le contexte, l'amorce d'un long flashback qui occupera l'essentiel du film, et enfin la conclusion de l'ensemble, à l'issue de l'action antérieure, après être revenu dans la temporalité initiale et fort des divers éclairages acquis. Le procédé n'est pas en soi rebutant : il suffit que le classicisme soit suffisamment bien articulé et qu'on n'y soit pas réticent pour que la mécanique fonctionne agréablement.
Le plus délicat ici est sans doute concentré dans le personnage de John Garfield, d'un côté une brute très à l'aise sur le ring et de l'autre un petit côté simple d'esprit (involontairement) puisqu'il se fait balader par à peu près tout son entourage. Ce n'est pas un personnage particulièrement attrayant, même s'il se fait le support d'une réflexion et d'un message, eux, beaucoup plus prenants. Disons simplement, en résumé, que son nouveau manager est une caricature très lourde de grand méchant, tendance véreux cupide, et que la femme qui l'aime est une caricature de gentille invariante, tendance femme aimante. Ces deux pôles sont agrémentés d'autres caricatures (l'homme de main violent, la femme fatale vénale, etc.), mais le portrait est massif dans son unilatéralité. Il y a les gentils d’un côté et les méchants de l'autre, bien identifiés.
Après c'est une époque où l'on avait besoin de certitudes au sortir de la guerre, pas de doute — la thématique du sort des Juifs est évoquée brièvement. Mais c'est aussi un beau mélodrame sur le miroir aux alouettes des promesses financières, au travers des nombreuses avances alléchantes comme autant de panneaux dans lequel le protagoniste s'encastre — un peu trop — systématiquement. Même si le doute plane souvent : "After mink comes sable", que l'on pourrai traduire très prosaïquement par "après le vison vient la zibeline", sous-entendu : le futur n'est pas radieux. Les ficelles de la fable morale sont grosses, mais ça passe et ce d'autant plus que plusieurs personnes impliquées (dont John Garfield qui mourra quelques années après) subiront les foudres du maccarthysme.
Il aurait juste fallu un dernier combat un peu plus palpitant (même si l'enjeu est ailleurs) et un schéma un peu différent du rise & fall & redemption traditionnel, et des menaces plus éloquentes, plus sérieuses, qui ne soient pas rejetées facilement à coups de belles tirades : "What are you gonna do? Kill me? Everybody dies.").
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