Bien chers frères

C'est un film méconnu et j'ai l'impression qu'il est même quasi ignoré, c'est pourtant un polar de bonne facture avec un duo d'acteurs fabuleux Duvall-De Niro qui incarnent 2 frères ayant choisi des voies différentes ; ils sont bien entourés par un bataillon de solides seconds rôles comme Charles Durning, Kenneth McMillan, Cyril Cusack, Burgess Meredith ou Dan Hedaya... Le réalisateur Ulu Grosbard est aussi peu connu, j'ai le souvenir d'un polar étrange avec Dustin Hoffman, le Récidiviste en 1978.
Situé dans l'Amérique des années 40, le film rappelle les thrillers tortueux et un peu labyrinthiques de cette époque, au charme vénéneux comme le Grand Sommeil ou Pendez-moi haut et court, dont il ne possède pas toutes les qualités, probablement parce qu'il est tourné en Technicolor, où l'univers crapoteux a comme quelque chose de ripoliné. De plus, les personnages manquent de mystère, le réalisateur évite soigneusement tout manichéisme mais greffe un côté mélo familial à une enquête sordide où peuvent briller ses principaux interprètes.
De Niro incarne un homme d'Eglise destiné aux plus hautes fonctions, et donne du lustre à son personnage, ses relations d'affaires avec un ancien maquereau devenu un richissime promoteur immobilier et généreux donateur de son diocèse, lui pose des problèmes de conscience, car il se retrouve indirectement mêlé à une affaire ténébreuse. Tout juste dégrossi de son rôle de Jack La Motta dans Raging Bull (dont on retrouve de légères séquelles dans les scènes d'ouverture et de clôture), De Niro affine son rôle et en maniaque de la perfection, a appris à dire la messe en latin.
Mais étrangement, je préfère le jeu de Robert Duvall, en flic équitable soupçonnant le protégé de son frère d'être mêlé à un crime crapuleux ; il campe le gars simple et passionné qui joue les grands impassibles puis qui explose avec fracas lors d'une scène choc. La confrontation de ces 2 acteurs prodigieux vaut presque à elle seule de voir ce drame policier qui captive quand même par son propos.