Perplexe d’Œdipe
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J'aimerais beaucoup voir à quoi ressemble un cahier des charges pour un film de Jodorowsky : "Il me faut un éléphant, un tigre, un aigle, trois ou quatre fanfares, un serpent énorme, plusieurs gymnastes, une vingtaine d'handicapés mentaux, une fausse oreille, un cheval colorié, un unijambiste, 200 poules, cinq catcheurs, une bodybuildeuse, un mec qui mesure moins d'un mètre et plusieurs membres de ma famille pour les rôles principaux". Ça doit à peu près ressembler à ça.
Santa Sangre est finalement déjà tardif dans la filmographie de Jodorowsky, qui nous a déjà pondu les cultissimes El Topo et La Montagne Sacrée. Il est également moins connu, même si j'ai trouvé qu'il valait franchement le détour.
Une ambiance syncrétique plane tout au long du film : Fenix est fils d'une mère hérétique et d'un père pêcheur, la première dirigeant une secte tandis que l'autre impose un tatouage à son propre fils, ce qui pourrait faire penser à quelques rituels africains ou autres.
Le déroulement du film en lui-même est original : une première partie en flashback qui nous permet de découvrir le passé traumatisant du personnage principal, puis une seconde en flashforward, durant laquelle le passé du personnage ressurgit et influence jusqu'à ses propres décisions. En effet, sa mère désire être vengé, et il deviendra alors les bras vengeurs qu'elle n'a plus.
On comprend assez vite que la mère de Fenix ne peut être qu'une hallucination, mais finalement qu'importe ? Qu'elle soit réelle ou non, il est compliqué de s'en débarrasser. Mais il est intéressant de constater que finalement, le problème de Fenix n'est qu'un blocage psychologique, un refus de voir la réalité des faits.
Fenix est alors un personnage torturé, on retrouve alors des thématiques qui montrent son besoin de liberté, comme l'oiseau/aigle/colombe ou encore la scène qui fait directement référence à L'Homme Invisible, durant laquelle il cherche une autre échappatoire. A contrario, d'autres images, comme le serpent ou le plan oppressant où il se recroqueville dans le cimetière démontrent plutôt son enfermement.
Et c'est là une très grosse qualité du film : malgré une esthétique surréaliste et un cinéma par conséquent très imagé, Santa Sangre reste très lisible, facilement interprétable. On comprend les personnages, on comprend ce qu'ils cherchent. Et les plans parviennent vraiment à retranscrire les sensations (tout devient très contemplatif dans certains plans-séquence d'une ou deux minutes, mais il y a aussi par exemple plusieurs scènes avec des mouvements circulaires enivrantes, ou encore de longs dé-zooms durant le flashback insistant sur certains événements précis de la vie de Fenix).
Le tout est appuyé par une BO superbe, variée, tantôt dans la musique folklorique hispanique, tantôt dans un son de synthèse plus typique des années 80, mais on trouve aussi des scènes avec un fond d'orgue, de piano, ou même d'orgue de barbarie. La musique, très présente, souligne parfaitement l'action.
Ce n'est franchement pas le plus perché des Jodorowsky, mais il est très intelligent, original, et répond en fait complètement aux attentes que l'on peut avoir en regardant un de ses films.
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Créée
le 4 mars 2019
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