Mother of tears.

Visionner un film de Jodorowsky c'est avant tout tenter une expérience, accepter de plonger dans un univers tortueux où les règles n'existent plus, c'est se laisser guider dans les méandres de l'esprit déjanté du cinéaste, au risque peut-être de se perdre. Visionner un film de Jodorowsky c'est assister finalement à un vrai moment de cinéma.

Comme il l'avait fait pour le western avec "El Topo", Alejandro Jodorowsky s'empare du giallo afin de l'entraîner vers des territoires encore inexplorés, vers des contrés lointaines et sauvages, de le déchiqueter de l'intérieur avant de le remodeler à son image, de le parer d'atours clinquants et bariolés tout autant que fantasmagoriques et oedipiens.

Bouleversante ode aux freaks qu'affectionne depuis toujours Jodorowsky, "Santa Sangre" fonctionne comme une relecture du classique de Tod browning que l'on aurait accouplé avec le "psychose" de Hitchcock et le thriller transalpin popularisé par Dario Argento. "Santa Sangre" est une tornade à lui seul, est un pandemonium où nagent dans les mêmes eaux troubles horreur, magie, drame, poésie et amour sans qu'aucun de ces éléments ne prenne le pas sur les autres.

Réceptacle des obsessions de Jodorowsky, "Santa Sangre" est un festival totalement fou, aussi absurde que dérangeant, un vieux grimoires aux images bariolées et marquantes, prenant vie sous nos yeux au son d'une bande son magnifique, à l'image d'un film beau à en pleurer, cruel et parfois choquant mais d'un onirisme bouleversant propre à hanter vos rêves, à vous faire voyager en compagnie de saintes sans bras, de femmes tatouées des pieds à la tête, d'acrobates sourdes et muettes, d'éléphants majestueux, de clowns tristes et autres nains attachants. Oeuvre magistrale d'un cinéaste protéiforme, "Santa Sangre" est une invitation au rêve à ne surtout pas décliner.