Dans le Cinema Novo que je commence à peine à appréhender, ma préférence va très clairement à des films comme "Sécheresse" (Vidas Secas, 1963) de Nelson Pereira Dos Santos plutôt que ce "São Paulo, société anonyme", ce dernier manifestant un héritage beaucoup plus clair avec la Nouvelle Vague française, d'une part, et d'autre part le néoréalisme italien, en mode mineur cependant. Il y a dans les divagations et élucubrations du personnage principal très métonymique une composante existentielle plutôt intéressante sur le fond, mais qui sur la forme développe un récit qui m'est souvent plutôt désagréable.
Dans les intentions de Luís Sérgio Person, on peut très certainement retrouver la volonté d'établir un parallèle entre l'histoire particulière de cet homme en crise à São Paulo et le processus d'industrialisation des années 50 qui opère à une échelle beaucoup plus globale. À travers la figure presque schématique de l'usine automobile dans laquelle il évolue, on insiste progressivement sur son aspiration sans cesse malmenée à s'insérer dans la ville en constante mutation. La logique de cette croissance économique aura des conséquences drastiques sur sa vie personnelle, à commencer par la rupture que l'on voit en introduction, sans son, depuis l'extérieur d'un appartement vitré — scène que l'on retrouvera vers la fin du film, cette fois-ci positionné à l'intérieur de l'appartement avec un accès au contenu de la dispute au terme du cheminement de tout le flashback qui constitue l'essentiel de l'histoire.
La crise existentielle du protagoniste s'accompagne d'une sensation de vide, de dépossession, en contraste avec son ascension sociale et professionnelle : on pourrait retrouver ici une thématique digne du cinéma d'Antonioni, sur le thème de l'errance, si le récit n'avait pas été aussi froid et désincarné (à mes yeux). Le portrait qui s'étend du personnage à la ville-titre est loin d'être inintéressant, en tant qu'étude sociologique atypique et en tant qu'aperçu d'une partie de la vie brésilienne de l'époque. On pourrait même y trouver une sorte d'origine de la corruption endémique dont on perçoit les émanations aujourd'hui. Reste que ce film me paraît bien exsangue, difficile à apprécier, en lien avec les enjeux de sa fuite laissés volontairement flous. Et ce malgré l'ironie parsemée tout du long, jusque dans la conclusion.