Disons-le tout net : "Satyricon" est le plus beau film de Fellini ! Etant entendu que "plus beau" ne veut pas forcément dire "meilleur", il s'agit surtout de dire, ici, combien la mise en scène est (dans "Satyricon" plus que dans n'importe quel autre film de Fellini) au service d'une esthétique qu'on peine à retrouver ailleurs dans le cinéma.
On suit les pérégrinations de deux éphèbes dans une Rome décadente et aussi fantasmée que le sera la Venise du "Casanova de Fellini" (1976), autre grand film à la plastique irréprochable. Leurs déambulations sont prétexte à des rencontres insolites, effrayantes, amusantes. Fellini brosse ici une galerie de portraits d'une richesse incroyable : beaux, laids, comiques ou inquiétants, on garde en mémoire, longtemps après la projection, tous les visages croisés dans le film.
Le décor est également un point fort du film : on y voit une Rome antique "reconstituée" qui apparaît (étonnamment) davantage comme une cité futuriste. Les lignes sont épurées, les personnages évoluent devant de hauts murs, dans des plaines désertes... On a souvent une sensation de théâtre d'avant-garde. Fellini disait d'ailleurs (avec son sens habituel de la provocation) que "Satyricon" était un film de science-fiction !
Au-delà de la boutade, force est de constater qu'on n'a jamais, en tout cas, l'impression d'un film historique (et encore moins d'un péplum !) : aujourd'hui encore, "Satyricon" reste un film résolument moderne. La musique de Nino Rota, étrange et particulièrement originale (mêlant folklore oriental traditionnel et sonorités contemporaines) n'est d'ailleurs pas étrangère à cela.
Construit comme la plupart des films de Fellini, depuis "La Dolce vita" (1960), "Satyricon" est une succession de tableaux qui ont donc, pour dénominateur commun, une beauté renversante : on a réellement le sentiment, face à ce film, de se trouver devant une oeuvre d'art, au sens noble du terme. Une oeuvre d'art en mouvement... Comme de la peinture qui bouge.