Dans ce Fellini Satyricon, on cherchera en vain plus de cinq scènes qui ne soient pas implicitement sexuelles, comme on en cherchera en vain plus de cinq qui le soient explicitement. Autrement dit, jamais une œuvre aussi peu pornographique n’aura senti le sexe à ce point. (Et inversement : jamais une œuvre sentant à ce point le sexe n’aura été aussi peu pornographique.) Parallèlement, le corps y est intellectualisé à outrance.
Il n’y a pas que le corps, d’ailleurs : même des éléments en apparence aussi anodins que les fresques en ruines dont la vision clôt le film demandent une interprétation d’ordre intellectuel – les fresques montrent que le récit appartient désormais au monde de l’art, les ruines soulignent qu’il est lacunaire. Cette sur-intellectualisation ne se limite donc pas au film lui-même, mais s’étend à l’œuvre littéraire dont il est l’adaptation. C’est qu’on peut lire comme des symboles tous les éléments de ce récit ancré dans une histoire antique que l’on a parfois du mal à distinguer de la mythologie – et Fellini ne fait pas exception.
Sur la foi de mes souvenirs de lecture de Pétrone, je me disais avant de voir le film qu’il y avait deux grandes options possibles : le grand-guignol outrancier ou la reconstitution historique. (Évidemment je tablais sur la première. Il suffit de voir l’affiche – une franche réussite, d’ailleurs.) Et après l’avoir vu, je me dis que Fellini Satyricon est soit trop kitsch, soit pas assez. Prenons l’une des premières scènes, spectacle dans le spectacle, dans laquelle l’acteur Vernacchio cabotine autant que faire se peut : n’importe quel spectateur normalement constitué admettra que c’est n’importe quoi ; pourtant cette scène ne va pas assez loin, pas jusqu’au bout dans le n’importe quoi.
On peut en dire autant de tout le film, notamment de sa structure, aussi décousue que l’exigeait une adaptation fidèle de Pétrone. Et pourtant c’est encore trop cousu. À la rigueur, il n’y a que le physique des personnages qui soit suffisamment outrancier : Fellini Satyricon est un film à trognes, tel que le cinéma italien en tournait à tour de bras dans les années 1960 et 1970, jusque dans ses westerns. Ces grotesques – au sens propre – sont l’une des réussites du film, avec l’extraordinaire personnage de Giton, sorte de nymphe-objet qui traverse le récit comme un figurant principal ou un accessoire indispensable.