Un film plat mais au combien "savage".
On pourrait se poser cette question : comment un réalisateur fortement engagé, responsable de chefs-d’œuvre (il n’y a qu’à voir Platoon, Wall Street, Né un 4 Juillet, JFK, Nixon…) a pu devenir un simple livreur de divertissements classiques pour ne pas dire plats (World Trade Center, W., Wall Street 2…). En ce 26 septembre, Savages semble pourtant annoncer le grand retour d’Oliver Stone. (ATTENTION SPOILERS !)
Du point de vue de la belle O (surnom pour Ophélie), le film suit les mésaventures de la jeune femme, enlevée par un dangereux cartel qui, par ce biais, veut faire pression sur les deux hommes de sa vie, propriétaires d’un business florissant basé sur la vente du meilleur cannabis. Sur le point scénaristique, on est encore bien loin du Oliver Stone d’antan… En voulant faire dans le compliqué (triangle amoureux, agent des stups ripoux bien plus concerné qu’il n’y parait, relation mère-fille pour la chef du cartel…), on n’y retrouve aucunement le côté « engagé » ni « approfondi » de ses grands films. À aucun moment Savages ne traite le sujet de la drogue comme Traffic. Ici, le cannabis n’est qu’un prétexte à une trame divertissante, cette dernière nous fournissant au passage bon nombre d’histoires parallèles mais très peu travaillées (pas d’intérêt à savoir que la femme du ripou Dennis à un cancer, on ne détaille pas la vie « familiale » du monstre Lado, pour quelle raison ce triangle amoureux reste ainsi, la relation d’O avec sa mère n’est pas traitée…). Bref, le scénario nous propose des ébauches de trames secondaires qui ne demandaient qu’à être approfondies pour rendre les personnages attachants, il n’en est pourtant rien. De ce fait, on se retrouve avec un script basique et sans prise de tête. Le seul atout restera sans doute l’originalité de la narration, voix-off d’O nous annonçant que « ce n’est pas parce que je vous raconte cette histoire que je suis forcément vivante à la fin », au point de se retrouver avec un final étonnant et réussi. Savages n’est dont qu’une fiction de plus avec la drogue comme sujet, mais la raconte de manière extravagante et sans pudeur (quelques moments érotiques, des séquences atteignant une violence extrême comme une décapitation par tronçonneuse ou supplice à mort avec œil gauche qui pendouille de l’orbite) que l’on se demande si le film se prend au sérieux. Et dans un sens, c’est bien mieux comme ça : Savages est un divertissement, rien d’autre !
Même si le scénario n’est pas exceptionnel, il est heureux de voir que le film annonce le retour de Stone sur un point : la mise en scène. Avec Savages, on retrouve le réalisateur sous amphétamine de Tueurs nés, qui raconte donc cette histoire avec style. Mélange de plans hautement colorés (pour le côté « californien ») au séquences (étonnament) en noir et blanc, zooms distinctifs, caméra de travers, ambiance érotique pour les scènes adéquates, aucune pudeur question violence (que l’on dévoile ou non ce qui se passe, l’horreur de quelques séquences saute aux yeux !), trip hallucinogène (des plans lumineux et floutés), montage parfois humoristique (la scène de l’échange vue de deux manières : celle rêvée par la narratrice suivie par la véritable séquence)… Avec Savages, Stone ne renouvelle peut-être pas le genre, mais arrive à prouver qu’il en a encore sous le capot et qu’il se sert de cette mise en scène dégénérée pour contourner les clichés (encore une fois, j’en reviens au final, où pour une fois, tout est bien qui finit… pour tout le monde, même le grand salaud de l’histoire !). Là-dessus, Savages est une belle réussite.
Le film peut également compté sur une distribution intéressante, mélangeant les célébrités d’aujourd’hui au stars d’une époque. Ainsi se côtoient Blake Lively, Taylor Kitsch, Aaron Johnson, Salma Hayek, Benicio Del Toro et John Travolta entre autres. Pour les premiers, le jeu d’acteur est fort honorable, même de la part de Kitsch, qui semble bien plus professionnel que dans ses films précédents (dont John Carter et Battleship) malgré son manque d’émotion toujours aussi flagrant. Travolta, loin de ses meilleurs rôles, semble tout de même s’amuser comme un petit fou en tant que stups quelque peu au bord de la crise de nerfs. Salma Hayek se montre très convaincante en grande patronne de cartel. Mais c’est finalement Del Toro qui s’en sort le mieux, interprétant une véritable pourriture à la fois charismatique et effrayante.
Vous l’aurez compris, Savages ne sera pas le nouveau chef-d’œuvre d’Oliver Stone. Néanmoins, le film peut se vanter d’être bien supérieur des précédents films du réalisateur en étant un entertainment stylisé et visuellement esthétique, qui nous assure un long moment (2h11) sans prise de tête. Manque plus qu’un scénario de très grande qualité, et là, on pourra dire que Stone est bel et bien de retour !