Scalps offre à l’amateur de westerns spaghettis un récit de vengeance des plus classiques, au cours duquel une jeune Indienne parvient à échapper à ses ravisseurs, après qu’ils aient ravagé son village, pour mieux les retrouver et les scalper. Pourtant, l’aspect prévisible du scénario n’empêche pas les réalisateurs de mettre en scène un divertissement dont la maîtrise et l’efficacité surprennent : en dépit de montages croisés peu délicats et artificiels, l’image bénéficie d’un soin tout particulier et d’une belle colorimétrie qui accentuent l’éclat des paysages. La souplesse de la caméra offre à chaque scène un dynamisme qui opère même lors des dialogues ; en résulte une production vivante et alerte qui recourt au choc des cultures, sur fond de racisme, pour mieux en redistribuer les pratiques et interroger le sens de la violence. Violence ritualisée chez les Indiens, violence sadique chez les Américains qui n’hésitent ni à torturer leurs confrères ni à liquider mères et enfants.
Autre qualité évidente, le choix d’un personnage principal féminin fait peser sur l’entièreté du long métrage le poids des exactions endurées par les femmes à l’époque, notamment quand elles étaient considérées comme des trophées ou des butins de guerre. Yari donne à Scalps une tonalité féministe qui échappe aux logorrhées démonstratives pour s’ancrer dans le genre investi, le western. Héroïne tour à tour espiègle, attachante et impitoyable, elle se caractérise par sa ténacité et sa bravoure, attributions d’ordinaire réservées aux hommes que l’on se plaît ici à frapper dans l’entre-jambe ou à tonsurer. Sa relation avec Matt équivaut à un ébranlement des préjugés racistes qui régirent autrefois la cohésion militaire ; le vétéran de la guerre de Sécession, devenu fermier, prend conscience de la vacuité de ses idées reçues. Une petite réussite, heureusement rééditée par Le Chat qui Fume.