Someone has to speak up. Someone has to get mad.

Je dois admettre que je reste un peu sur ma faim. Si dans l’ensemble, le film est plutôt bon, j’ai l’impression qu’il reste trop superficiel dans ses propos, trop timide, trop « safe », sans vraiment vouloir entrer dans le lard.


Alors c’est vrai qu’en ayant vu The Loudest Voice, qui se centre plus sur la personnalité d’Ailes, et en ayant un peu suivi la campagne de l’autre zigoto, j’étais déjà un peu au courant des faits et je m’attendais donc à quelque chose de plus incisif. Le film l’est et il prend clairement parti, notamment dans certaines décisions narratives, sur la question. Il est très loin d’excuser Ailes et il a le mérite de mettre en lumière un climat professionnel qui se retrouve partout et paraît presque naturel pour certains.


Cependant, en tant qu’un des premiers films sur ce sujet et décidant d’aborder de front un « scandale » aussi important, un figure telle que Ailes, j’attendais à ce que le film se montre plus rentre-dedans, à ce qu’il nous mette la torgnole de notre vie, à ce qu’il nous prenne nos tripes, les mettes en charpie et nous fasse contempler son œuvre. Or, j’en ressors frustré parce que si on y retrouve les ingrédients pour y parvenir, j’ai l’impression que le film ne va pas jusqu’au bout, se précipite sur sa fin.


On n’en a peut-être pas tant conscience que ça en France, parce qu’on a surtout eu les retour de l’affaire Weinstein qui nous parle mieux qu’un obscur PDG d’une chaîne d’info qu’on sait conservative. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que Ailes, par le biais de Fox News, qui a choisi Trump comme candidat et qui l’a placé à la Maison-Blanche. C’était un choix voulu et délibéré. On parle de ce genre de personnage avec ce genre de pouvoir sur le peuple américain. Donc oui, j’en attendais plus de ce film qui promettait de faire éclater le scandale.


Après, comme je le disais, il y a beaucoup de bons points, mais ça reste très inégale. La première partie est vraiment super et prenante, mettant très bien en place son intrigue et ses personnages, mais passé le renvoie de Gretchen, le film perd en rythme. Certaines scènes surviennent sans vraiment de raison, n’apportent vraiment pas grand-chose à l’intrigue générale, ne font pas avancer l’histoire, sont confuses. Il se délite, devient moins incisif, se précipite sur certains aspects de l’histoire, jusqu’à enfin se rattraper dans sa conclusion, mais qui du coup semble tomber comme un cheveux dans la soupe. Peut-être que 20-30min de plus n’auraient pas été négligeable pour conserver le mordant du début.


Parce que oui, le début est vraiment fantastique. La mise en place, jouant sur la narration hors-champ et la rupture du 4ème mur, est captivante quand on découvre peu à peu chacune des personnages principales, ce qu’elles subissent, les couleuvres qu’elles doivent avaler. Le trauma qui poursuit certaines, celui qui se créent chez d’autres et l’impossibilité de pouvoir en parler, l’obligation de garder tout pour elle. La paranoïa dans laquelle Ailes les enferme, que ce soit personnellement ou professionnellement, physiquement ou psychologiquement. Certaines scènes sont extrêmement fortes, coup de poing, glaçantes, gerbantes mêmes. La scène de l’ascenseur, elle est assez puissante dans ce qu’elle représente, avec les trois destins qui se croisent, où chacune se doute/comprend ce qui se passe mais n’ose pas en parler (même si je suis moyennement fan de la façon dont elle est amenée, parce que pareil, y’a cette impression qu’elle ne va pas jusqu’au bout, qu’elle n’est là que pour le money-shot de la bande-annonce).


Cependant, le tout reste un peu en suspend dans la deuxième moitié du film, comme s’il attendait le final pour se lancer. Le film aborde aussi bien les dilemmes moraux et professionnels que chacune doit affronter, ce qui est tout aussi important parce que c’est là aussi une des raisons qui va dicter les choix de nos héroïnes pendant un moment, car chacune a conscience de ce qu’elle doit à Ailes. Jusqu’à ce que leurs convictions finissent par prendre le dessus et qu’elles peuvent enfin se libérer. La scène où Kayla avoue enfin (même si son contexte est sort de nulle part, mais soit) est extrêmement forte, elle donne des frissons. À l’inverse, avec Megyn, on est plus dans l’espoir, en se disant que ça y est, des femmes ont pris la parole.


Même si elle est un peu précipitée, j’ai beaucoup aimé la conclusion. Parce que j’ai beaucoup aimé le message qu’il transmet, qui renvoie à la quête de Gretchen : même si elle est réduite au silence, quelqu’un devait se lever et parler, pousser une gueulante, pour inspirer les autres à s’exprimer à leur tour. Ce qui rend la structure narrative du film compréhensible sur sa deuxième moitié : beaucoup se taisent mais quand l’une d’elle parle enfin, ça crée cette onde de choc (le fameux « bombshell » du titre original) qui amène le reste à parler et provoque donc cette envolée fulgurante dans la conclusion. Tout comme la dernière phrase de Kayla (son unique voix-off), qui vient un peu ternir cette conclusion, la rendant douce-amère, en nous rappelant la victimisation des victimes, qu’une victoire éclatante ne signifie pas que le combat est terminé, que certaines vont vivre avec le reste de leur vie.


Le casting est dans l’ensemble très bon. Le trio Theron/Kidman/Robbie était déjà un bon indicateur et elles ont été flamboyantes dans leurs rôles respectifs. Elles sont au top sur une vaste majorité de leurs scènes, au point qu’elles sauvent même celle un peu plus faibles dans la seconde partie (cette scène entre Charlize Theron et Margot Robbie… cette intensité quoi). J’aurais aimé voir un peu plus Nicole Kidman dans la seconde partie, où elle s’éclipse un peu par rapport aux autres personnages. John Lightow est formidable dans le rôle d’Ailes, détestable dès les premières minutes, tout en ayant cette forme de charisme toxique. Kate McKinnon n’était pas mal non plus, même si son rôle reste très secondaire (mais important pour l’intrigue). On retrouve quelques têtes connues ici et là dans les rôles de fond, mais l’ensemble reste quand même très bon.


Techniquement, je n’ai pas grand-chose à reprocher. La musique est très peu présente, ni même sous forme de BO, ce qui renforce le côté documentaire du film, mais elle sera utilisée avec soin pour maximiser certaines scènes. Les décors sont supers (j’ai beaucoup aimé la visite des studios, mais aussi l’explication de leur architecture) et la mise en scène reste dans l’ensemble de bonne facture (même s’il y a certains plans que je n’ai pas trop compris ou qui semblent bizarres dans la ligne narrative). Ah oui, je parlais des décisions narratives : on en parle du choix que le seul personnages non joué par des acteurs, même sur les images d’archives, c’est l’autre zigoto orange ? Choix extrêmement fort et pertinent.


Bref, un peu frustré par le film parce que j’en attendais beaucoup plus (clairement un truc à la The Big Short ou Vice), mais il n’en reste pas moins efficace dans le message qu’il transmet et l’exposition de cette affaire. Premier film sur le sujet, il n’est peut-être pas le meilleur, mais, à l’image de sa conclusion, peut-être qu’il amènera d’autres à aussi parler.

vive_le_ciné
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le 26 janv. 2020

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