Coupez une des têtes de l’hydre de Lerne et deux d’entre elles repoussent aussi tôt.
Bombshell est une adaptation cinématographique (LIBRE!) de la chute du directeur de fox news Roger Ailes, provoquée par une vingtaine de femmes qu’il a sexuellement harcelé. Ce film décrit un système sexiste aux relents paternalistes où la cooptation masculine structure les rapports de domination. Aux puissants hommes riches le pouvoir décisionnel, aux femmes les mêmes robes courtes (plus appréciables pour les gros plans dans les journaux) en guise d’uniforme sur un modèle de barbies maquillées pour que soit bien intériorisée l’idée qu’elles sont « jetables et remplaçables ».
Bref, le takeaway de ce film est le suivant : Il ne suffit pas de changer les hommes, il faut s’attaquer au système. Bombshell est effrayant de réalisme car il met au premier plan, sans fioriture, les tenants et les aboutissants du harcèlement sexuel sur le lieu de travail. La chaîne est décrite comme une organisation sociale perverse et asphyxiante où le middle-age rich white man règne en maître. Vous connaissez les bails.
La lourdeur psychologique du harcèlement sexuel est très bien retranscrite par des scènes clés où le silence été choisi comme toile de fond. Le film explique le chemin de traverse que les femmes ont l’obligation d’emprunter (ce chemin est métaphoriquement représenté par un chemin caché au personnel pour accéder au bureau du big boss quand il convoque ses journalistes) pour progresser dans leurs carrières au sein de l’institution. D’une certaine manière, le film confronte le féminisme théorique aux structures sociales permettant la répétition de ces pratiques : Le harcèlement sexuel apparait hiérarchisé, organisé, robotisé, tant tous les leviers à la disposition de ces femmes pour se faire entendre sont annihilés dans une organisation tentaculaire où chaque branche se déploie pour protéger le patriarche quand les fondations sont remises en question.
Dire que Charlize Theron, Nicole Kidman et Margot Robbie livrent des interprétations incroyables serait enfoncer des portes ouvertes. Elles prêtent respectivement leurs traits à Megyn Kelly (Outre un jeu minutieux, l’actrice est devenue Megyn Kelly grâce à une équipe make-up extraordinaire, qui a d’ailleurs reçu un oscar pour son travail) de Gretchen Carlson (As usual, Nicole Kidman est géniale) et de Kayla (personnage fictif représentant l’ensemble des journalistes ayant subi les assauts de Roger Ailes).
Le film peut paraître décousu. Cependant, sa vertu réside dans une description clinique et punchy des situations de harcèlement du point de vue de femmes ambitieuses mais surtout, blanches et conservatrices. Ce dernier point est important : ces éléments sont présentés comme enrayant la possibilité de faire émerger une conscience d’être discriminable. Ce parti pris est interessant.
Bombshell est le récit d’une victoire qu’on refuse isolée. Tirons-en les conclusions nécessaires.