"Scum", c'est un peu un film de prison : les détenus sont ici des jeunes gens placés dans un centre pour délinquants qui subissent l'oppression de gardiens mais vivent aussi selon la loi du plus fort entre eux. Si vous connaissez déjà le cinéma de Clarke, alors vous vous doutez bien que ça ne sera pas rose, que ça finira même certainement mal. Personnellement, j'ai juste vu "Made in Britain", un film qui m'a fait l'effet d'un coup de point en pleine face. "Scum" aborde pas mal de thèmes similaires, mais en moins intime du fait qu'il y a plus de personnages, que c'est plus ambitieux. "Scum" m'a aussi rappelé "Un prophète" de Audiard sur certains points mais selon un traitement cette fois plus intimiste.
"Scum" m'a aussi rappelé mon adolescence. Je n'ai pas vécu dans un centre de ce genre, je n'ai même pas vécu les joies de l'internat, mais disons qu'à l'école secondaire, je n'étais pas inclus dans les groupes les plus cools ; en d'autres termes, je faisais partie de ces losers. J'avais tout de même réussi à rester relativement discret à part quelques altercations légères avec les 'bordelleurs' comme on disait... jusqu'au jour où l'un d'eux cru que je voulais draguer sa copine. Dès lors l'école est devenue moins chouette. Bon on entre pas dans les clichés où ça devient un enfer, juste que lorsque je le croisais lui ou ses copains dans un couloir, je pouvais être sûr qu'il se passerait quelque chose.
Pourtant je lui ai expliqué que c'était une méprise, que jamais je n'ai voulu draguer sa copine, que je ne savais même pas à quoi elle ressemblait. Il finit par comprendre, renonça à me coller une baffe juste parce que j'avais l'air trop fragile (sisi, je le jure, être malingre a cet avantage qu'ils ne veulent pas vous casser en deux d'une gifle), malgré tout, il laisait ses copains se fiche de moi et laissait échapper un rire ou deux. Cours d'anglais, je recevais régulièrement des boulettes de papier dans le dos, ou alors ils s'amusaient à prendre ma place pour voir ma réaction. Cours de gym : ils s'amusaient du fait que je n'étais pas très sportif. Une fois ils ont fait semblant de laisser tomber en m'invitant à jouer au foot, je me suis très vite retrouvé gardien, comme par hasard. Ils ont alors joué à tirer le plus fort possible dans le goal. Ils ont quand même vite compris que c'était chiant pour eux aussi puisque souvent la balle passait au dessus du filet et qu'ils devaient aller chercher la balle eux-même. Une autre fois en gym, l'un d'eux est rentré dans le vestiaire et a attaché mon sac à un grillage avec un cadenas. Evidemment, personne n'avait la clef... il a fallu attendre qu'un des ouvriers d el'école daigne venir avec uns scie pour libérer mon sac. Entre temps, l'un d'eux a voulu faire comme s'il était sympa, a ouvert mon sac et a sorti des déchets en disant, sourire aux lèvres 'vous êtes dégueulasses les gars'. Je possède toujours ce sac, bien qu'il ait plus de 15 ans de vie (et l'utilise encore régulièrement) ! Dans les couloirs, je me souviens qu'ils m'appelaient 'mé', je ne sais pas comment ça veut dire, mais il paraît que ça voudrait dire moucheron ou moustique en arabe. Je me souviens qu'une fois, j'étais subjugué par la fille de mes rêves, Julie D., qui évidemment ne me rendait pas cet amour, nos regards se sont croisés, j'étais étonné qu'elle me regarde, jusqu'à ce que je comprenne qu'en fait, derrière moi, il y avait toute la bande de 'bordelleurs' qui se moquaient de moi. Et puis pour ne pas arranger les choses, j'ai connu mon âge rebelle : je me suis décoloré les cheveux et je portais du vernis noir sur les ongles. Genre : ha vous vous fichez de moi? ben voilà une raison supplémentaire pour vous bien vous fendre la gueule.
Bref, tous ces souvenirs m'éloignent de cet exercice de critique.
"Scum" est un film assez radical, assez fort. Les personnages sont plutôt bien écrits, les situations intéressantes. Malgré la durté de certaines scènes, Clarke parvient presque toujours à éviter le misérabilisme. Le film coule assez bien, mais l'intrigue perd un peu de sa saveur, de son rythme de par l'abandon du personnage principal des 40 premières minutes. Non pas qu'il est totalement occulté, non, il revient comme un figurant par la suite, et c'est un peu dur. En même temps c'est pertinent, cela permet à l'auteur de montrer d'autres cas de cette charmante institution. Mais avoir un personnage auquel s'identifier tout au long du film aurait aidé à plus structurer le récit.
Visuellement, Clarke ne cherche jamais à faire de beaux plans. Il se contente la plupart du temps de filmer les choses du mieux possible, de façon à ce qu'on ne rate rien de l'action. Une caméra au service de l'histoire en somme. Les acteurs sont comme dans "Made in Britain" excellents, même si aucun ne connaîtra une carrière aussi réussie que Tim Roth. Tous bons, tous naturels. Enfin certains jouent un peu faux, soyons honnêtes, mais CLarke parvient à faire passer ça. Enfin, choix agréable au vu du traitement, pas de score de tout le film. Cette sobriété sied parfaitement au film.
Bref, "Scum", en plus de m'avoir ravivé des souvenirs lointain, m'a permis de passer un agréable moment, même si j'aurais aimé que ce soit encore mieux.