Sécheresse ou "Vidas Secas" en version originale est un conte situé au tout début des années 40, centré sur une famille de paysans pauvres dont l'histoire atteint le niveau de sécheresse du Sertão, une région du Nordeste brésilien dont le climat aride et la désolation pourraient rappeler, sous certains aspects, l'Outback d'Australie. Capturée dans un noir et blanc rugueux, empreinte d'un réalisme critique et d'une cruauté froide, l'errance de ce petit noyau familial constitué du père, de la mère, de leurs deux enfants et du chien Baleia s'apparente à un périple à travers des terres désertiques et farouchement inhospitalières. Leur trajectoire, des zones rurales les plus reculées vers les centres urbains que l'on peut deviner dans le dernier itinéraire contraint de l'épilogue, se place sous le signe de la persécution : le climat hostile, avec son intense sécheresse, l'absence d'entraide entre pauvres gens, qu'ils soient paysans ou policiers, la tyrannie des propriétaires, qui profitent de l'illettrisme de leurs ouvriers, et tous les malheurs qui jalonnent un tel exode dénué d'espoir mais comportant malgré tout quelques rares ouvertures.
Dans son portrait de la pauvreté paysanne, Nelson Pereira Dos Santos pourrait bien établir une passerelle avec l'autre moitié du continent américain, à travers les nombreux échos que l'on retrouve avec Les Raisins de la colère de John Steinbeck. À la fuite de la misère et de la famine s'ajoute ici celle de la sécheresse, que l'on saisit directement dans la marche éprouvante imposée à la famille en introduction. L'aridité et la poussière ne quitteront jamais l'écran, elles emplissent le regard pour former un réquisitoire corrosif sur un registre particulier, celui de la condition paysanne au Brésil. Le rythme sera uniforme du début à la fin, extrêmement lent, épousant la dimension éreintante et laborieuse de leurs pérégrinations.
Il n'y a pas vraiment d'éclaircies durables dans cette figure de proue du Cinema Novo — un mouvement cinématographique fondateur du cinéma brésilien des années 50 et 60, dont les influences se structurent à l'origine autour du néoréalisme italien et de la nouvelle vague française. Difficile de dire ce qui empêche une telle proposition cafardeuse de sombrer dans un misérabilisme frontal, si ce n'est l'innocence de l'enfance et son incompréhension presque comique, tenant de l'humour noir, lorsqu'un des fils ne saisit pas bien la différence entre la définition de l'enfer donnée par sa mère et la réalité qui l'entoure. Le réalisme adopté par la mise en scène n'explore toutefois pas des régions attenantes au documentaire, il s'engage plutôt dans une veine allégorique, avec une vision politique assez claire chez Nelson Pereira Dos Santos. Un montage parallèle entre le passage en prison du père (une histoire d'argent perdu au jeu et d'abus de pouvoir) et une fête folklorique dans les rues voisines confère en outre une dimension presque fantastique au film, avec une imagerie très étrange. La famille se retrouvera in fine enfermée dans le caractère cyclique de leur migration, le plan final qui les voit disparaître à l'horizon rappelant le plan initial, monté en sens inverse, laissant supposer de nouveaux sacrifices à venir.
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