SÉJOUR DANS LES MONTS FUCHUN (Gu Xiaogang, CHIN, 2019, 150min) :


Présenté avec honneur à la soirée clôture de la Semaine de la critique au dernier Festival de Cannes 2019, Séjour dans les monts Fuchun (premier film du réalisateur Gu Xiaogang), confirme toute la vitalité du jeune cinéma chinois découvert ces derniers mois sur nos écrans (An Elephant Sitting Still / So long, my Son / Le lac aux oies sauvages / L'Adieu).


Majestueux premier volet d'une chronique familiale chinoise sur trois générations et au fil des quatre saisons près du fleuve paisible dominé par les monts Fuchun dans la ville historique de Hangzou, au sud-ouest de Shangai. Le jeune cinéaste de 31 ans s'inspire d'une peinture ancienne de l'artiste Huang Gongwang (de 1348 à 1350), pour nous dérouler comme sur un rouleau ancestral une impressionnante mise en scène très maîtrisée. Gu Xiaogang opte ainsi pour une réalisation non contemplative à travers de nombreux gracieux plans séquences fleuves, afin d'épouser avec sérénité les multiples mutations de la Chine contemporaine (urbanisation, problèmes financiers, nouvelle loi sociétale). La caméra fluide s'imprègne ainsi de manière picturale de la relation de l'homme et la nature, à travers les trajectoires horizontales individuelles de chaque membre de la famille confronté quotidiennement à cet immense chantier rénovateur autour d'eux, dont certains resteront sur le bord de la route à cause du redoutable accroissement économique.


Le lent récit choral remarquablement entremêlé, s'écoule de façon enivrante, au rythme du cycle saisonnier, pour mieux nous insuffler de la culture ancienne tournée vers le futur et les multiples tourments de la vie, au milieu du chaos urbain, pendant que la nature reste immuable. Une déclinaison des destins à l'heure où la matriarche fête ses 70 ans et montre des signes de faiblesse, plongeant inévitablement les quatre frères face à des choix cruciaux où l'héritage socio-culturel se trouve confronté à la présente réalité économique qui provoquent rapports de forces et querelles fraternels. L'ambitieux cinéaste brillant envisage cette monumentale fresque sous la forme d'une saga familiale en trois parties. Séjour dans les monts Fuchun se révèle être un remarquable premier chapitre élégant au fil de l'eau et des saisons, dont l'ampleur narrative et la splendeur visuelle poétique envoûtent autant l'âme que la rétine. Les deux prochains chapitres suivront le cours du fleuve, pour découvrir d'autres villes et d'autres vies intranquilles.


En attendant la suite, tentez ce fascinant voyage dépaysant au sein d'une fratrie chinoise, vous ne regretterez pas ce premier Séjour dans les monts Fuchun. Superbe. Élégiaque. Captivant.

seb2046
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2020

Créée

le 4 janv. 2020

Critique lue 1.3K fois

14 j'aime

seb2046

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

14

D'autres avis sur Séjour dans les monts Fuchun

Séjour dans les monts Fuchun
Mattchupichu77
9

Nous tenons de notre famille aussi bien les idées dont nous vivons que la maladie dont nous mourrons

Avant cette belle année de cinéma 2019, le séduisant et plutôt énigmatique titre "Séjour dans les Monts Fuchun" n'évoquait qu'une peinture célèbre de l'artiste chinois Huang Gongwang (1269/1354)...

le 23 janv. 2020

27 j'aime

Séjour dans les monts Fuchun
blacktide
7

Le Chant des Saisons

« Qui ose traverser les grands fleuves ne craint pas les petites rivières. » Non, nous n’avons pas trouvé ce proverbe chinois dans un biscuit où l’aphorisme se lit autant qu’il se mange. Et pourtant,...

le 22 déc. 2020

19 j'aime

1

Séjour dans les monts Fuchun
mymp
3

La vie est un long, très long (trop long) fleuve tranquille

Nouveau venu dans le paysage cinématographique chinois (et international puisque Séjour dans les monts Fuchun a été projeté au dernier festival de Cannes), Gu Xiaogang risque fort de rejoindre le...

Par

le 31 janv. 2020

16 j'aime

Du même critique

Plaire, aimer et courir vite
seb2046
8

Jacques et le garçon formidable...

PLAIRE, AIMER ET COURIR VITE (2018) de Christophe Honoré Cette superbe romance en plein été 93, conte la rencontre entre Arthur, jeune étudiant breton de 22 ans et Jacques, un écrivain parisien qui a...

le 11 mai 2018

36 j'aime

7

Moi, Tonya
seb2046
7

Wounds and cry...

MOI, TONYA (15,3) (Craig Gillespie, USA, 2018, 121min) : Étonnant Biopic narrant le destin tragique de Tonya Harding, patineuse artistique, célèbre pour être la première à avoir fait un triple axel...

le 19 févr. 2018

34 j'aime

2

La Villa
seb2046
7

La nostalgie camarade...

LA VILLA (14,8) (Robert Guédiguian, FRA, 2017, 107min) : Cette délicate chronique chorale aux résonances sociales et politiques narre le destin de 2 frères et une sœur, réunis dans la villa familiale...

le 30 nov. 2017

30 j'aime

4