Ce que Séjour dans les monts Fuchun a de très beau, c’est d’aborder la fin de vie, tout entière incarnée par cette mère et grand-mère vieillissante qui s’effondre lors de son anniversaire, par le biais d’un fleuve qui s’écoule doucement et semble accompagner le mourant vers un autre asile. Gu Xiaogang réalise une œuvre fluide qui, sous couvert d’une apparente immobilité – travail du plan-séquence, longues scènes de dialogues – n’a de cesse de progresser lentement et imperceptiblement, entrelaçant ainsi le temps de l’homme et celui de la nature, tirant de cet entrelacs une sérénité en dépit des situations représentées ainsi qu’un regard critique sur la société chinoise capitaliste. Il n’est ici question que d’argent et d’héritages, les dettes et le prix de l’immobilier passent d’une bouche à l’autre, sont au cœur des préoccupations, à l’opposé du spectacle de la nature qui pourtant demeure malgré l’urbanisation galopante.
Le réalisateur capte ce que le quotidien peut avoir de poétique et compose ses séquences rythmées par les saisons comme un poète choisit avec soin les mots de son haïku. Le plus remarquable étant la manière qu’il a de ne jamais faire de la maîtrise formelle une finalité grandiloquente, mais, au contraire, de subordonner celle-ci à la contemplation de l’humain et ses histoires – celles qui le définissent, celles qu’il se raconte – dans un environnement lui aussi en perpétuelle mutation, quoique plus lente, comme inséré dans une temporalité qui engloberait la nôtre, un environnement qui l’a précédé et qui lui succèdera.