Séminaire
5.3
Séminaire

Film de Patrik Eklund (2023)

Voir le film

On imagine bien que lorsque John Carpenter créa Halloween en 1978, il n’imaginait pas à quelle abominable descendance sa créature monstrueuse allait donner naissance, mais il faut bien avouer que cinquante ans plus tard, la dernière chose que quiconque d’un tant soit peu sain d’esprit ait envie de regarder, c’est un nouveau film de « slasher ». Que Netflix ait mis en ligne sa dernière production, Séminaire, un vendredi 13, histoire de bien mettre les points sur les « i » quant à la source d’inspiration du film, est évidemment plus effrayant que ne le sera le film lui-même. Mais, s’agissant d’une production suédoise, louchant a priori, et plus qu’un peu, vers les atmosphères décalées et presque abstraites des films du très à la mode Ruben Östlund, pourquoi ne pas y jeter un coup d’œil ?

Séminaire confronte les participants à un… séminaire, justement, sensé augmenter la motivation et l’esprit de corps au sein d’une équipe dysfonctionnelle d’employés de mairie, à un serial killer portant un masque ridicule et donc effrayant. Isolement du groupe au sein d’une campagne perdue, grise et hostile, conflits entre les individus – pas tous très finauds – qui les empêche de s’allier pour résister au tueur, et beaucoup de morts les plus atroces possibles : les codes du genre sont respectés, et certains spectateurs prendront certainement plaisir – on ne les jugera pas pour ça – à voir exécuter la majorité de ces pantins antipathiques, à qui l’on souhaite rapidement de passer de vie à trépas de la manière la plus horrible possible. Là où Patrick Ecklund s’écarte clairement de la trame habituelle, c’est déjà – gros soulagement – en remplaçant les habituels teenagers tellement irritants par des adultes, et en évacuant la très habituelle composante « sexuelle » du sujet. Pour la remplacer par un discours « politique » simple, mais pas si stupide que ça : la municipalité que gèrent nos bureaucrates au petit pied vient d’exproprier – sans indemnité – des agriculteurs pour faire construire un gigantesque centre commercial sensé apporter la prospérité à la ville, mais derrière cette opération déjà plus que discutable se dissimulent des intérêts personnels des plus répugnants. Et le vrai monstre n’est, bien sûr, pas le tueur masqué.

Malheureusement, on comprend assez vite où Eklund veut en venir, et à partir de ce moment, le film n’évite pas l’ennui qui naît des scènes répétitives d’exécution sauvage de victimes apeurées. L’injection d’une bonne dose d’humour vaguement absurde – à la manière d’Östlund, si l’on veut – apporte certes une certaine « sophistication européenne » au film, mais s’avère rapidement un dérivatif assez lâche : après tout, se moquer d’à peu près tous les personnages, bons ou méchants (allez, l’héroïne dépressive, Lina, interprétée par Katia Winter, actrice suédoise vue dans Dexter et The Boys, a quand même droit à un peu d’empathie…) confère à Séminaire un second degré incompatible et avec l’horreur potentielle des meurtres, et avec la condamnation des agissements malhonnêtes du personnel de la mairie.

Bref, bien que sur le papier, le concept de Séminaire soit potentiellement plutôt malin, le film n’est guère passionnant, suivant sans en dévier son programme cynique : « tous des monstres ! ».

[Critique écrite en 2023]

https://www.benzinemag.net/2023/10/20/netflix-seminaire-de-patrick-eklund-tous-des-monstres/

EricDebarnot
4
Écrit par

Créée

le 20 oct. 2023

Critique lue 247 fois

3 j'aime

5 commentaires

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 247 fois

3
5

D'autres avis sur Séminaire

Séminaire
Catherine_L-Mit
7

Critique de Séminaire par Catherine L-Mithrandir

Déjà je suis fan des productions scandinaves, que ce soit série ou film.J'ai bien aimé ce film qui n'est pas pour moi un film d'horreur, je n'ai jamais sursauté , mais par contre du sang il y en a et...

le 20 oct. 2023

4 j'aime

Séminaire
EricDebarnot
4

Tous des monstres !

On imagine bien que lorsque John Carpenter créa Halloween en 1978, il n’imaginait pas à quelle abominable descendance sa créature monstrueuse allait donner naissance, mais il faut bien avouer que...

le 20 oct. 2023

3 j'aime

5

Séminaire
estonius
4

Pas de tension, pas de suspense, pas d'empathie pour les personnages…

Le film veut renouveler le slascher/survivor mais se fout les pieds dans le tapis en beauté. L'idée originale est de placer les évènements dans le cadre d'un séminaire d'entreprise, cela permet...

le 13 oct. 2023

3 j'aime

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

205 j'aime

152

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

191 j'aime

115

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

190 j'aime

25