Il fallait être audacieux pour exhumer de l’oubli collectif le personnage de Séraphine Louis, dite de Senlis, peintre qui a illustré modestement à son heure, le modernisme naïf. Courant d’art dans lequel elle évoluera en courant d’air. Sa peinture est aussi radicale que sa vie de femme et d’artiste, les deux s’entremêlant, se fusionnant. Et Martin Provost ne s’y trompe pas !


Il a su saisir le mystère qui entoure sa personnalité mystique quasi immaculée, quelque peu décalée et profondément attachante. Par petites touches, il retrace son incroyable parcours. Il évoque avec beaucoup d’empathie et d’admiration cette femme de nulle part, bonne à tout faire pour quelques sous, qui dans un état de transe se transforme la nuit en créatrice d’œuvres foisonnantes dont la nature comme être vivant en est le cœur.


Les scènes courtes s’enchaînent somptueuses, fragiles et se teintent d’un réalisme saisissant. La lumière et le cadre sont somptueux. Les scènes où Séraphine est placée au cœur de la nature, luxuriante et étonnamment palpable, irradient d’incandescence. On retrouve ici d’ailleurs une certaine filiation avec « Un dimanche à la campagne » de Tavernier. Par contraste hors de ce cadre, la grisaille submerge tout. L’artiste en soit n’existe pas, cet être angélique est poussé par une volonté, qu’elle pense divine, mais qui n’est autre qu’une perception unique et primaire de la beauté. Séraphine, contrainte dans sa vie, se lâche dans son œuvre, seul moyen pour elle de se faire entendre ou respecter.


Cette vision brillante surprend, impressionne et vous touche profondément, le dernier plan vous laissant un goût doux amer à l’image des œuvres de l’artiste. Emotion démultipliée également par l’incarnation du peintre par une Yolande Moreau qu’on savait déjà formidable ("Quand la mer monte") mais qui ici dépasse le cadre même de la performance, elle est Séraphine, jusqu’au bout des ongles, à la limite de l’absolu. Le film repose sur elle entièrement et c’est aussi dans ce sens qu’il est aussi habité par la grâce et extrêmement jubilatoire.

Fritz_Langueur
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le 16 sept. 2014

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Fritz Langueur

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