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Ridley Scott est le réalisateur clivant par excellence. Il a un début de carrière qui l’a installé (Duels, Alien, Blade Runner) sur lequel tout le monde s’accorde, mais depuis, il est sujet de discorde à chaque nouveau projet. Pour ma part, c'est une filmographie que je juge en dents de scie qui lui attribue une appréhension qui lui est propre, jonglant entre 1: le mauvais (Napoléon, Exodus) ; 2: l’insipide (All the Money in the World, Legend); 3: le sympathique (Hannibal, Body of Lies); 4: l’excellent (The Last Duel, Black Hawk Down); ou 5: celui qui exige une version longue pour devenir bon (Kingdom of Heaven, Cartel). The Martian, une fois que l’on dépasse les attendus d’un tel récit et acceptons ce qui nous est proposé, se range dans une catégorie 3 confortable.


Car du récit d’un Robinson Crusoé spatial, un survivant isolé des extrêmes, on pourrait s’attendre à un traitement psychologique de l’abandon, un atermoiement sur une quelconque famille laissée derrière, une immersion dans la solitude. On pourrait croire en un Cast Away sur

la planète rouge. Mais que nenni, Scott délaisse tout cela et colle au roman d' Andy Weir pour livrer une œuvre qui dédramatise ses enjeux émotionnels pour mieux se concentrer sur une approche pragmatique du problème. Mark Whatney (Matt Damon, le plus américain des acteurs en circulation) prendra le temps d’expliciter chacun des enjeux de survie par l’entremise de caméras embarquées faisant office de journal de bord et justifiant l’exposition, tout en désamorçant tout pathos par des remarques sarcastiques sur les instruments dont il dispose (musique disco comprise). En sus, les nombreux aller-retours sur Terre avec un casting étoffé (Chastain, Mara, Peña, Daniels, Bean, Glover, Wong, Wiig, Ejiofor, Stan… Quelle débauche!) viennent ajouter leurs informations pertinentes au déroulé des bricolages successifs qui étayent le film.


The Martian est de la hard SF pure et dure, et délaisse complètement tout pathos pour tenter une approche réaliste et scientifique. Si de nombreuses libertés ont évidemment été prises dans un souci de fluidité narrative et de proposer des séquences haletantes, la collaboration de l’auteur originel puis du réalisateur avec la NASA n’est pas sans conséquence sur la crédibilité de l’ensemble. Les solutions techniques proposées ont été largement approuvées par l’agence spatiale, qui avoue elle-même se servir de concepts développés dans de telles œuvres pour diriger ses axes d’innovation. Une sorte de cercle vertueux.


De tout cela découle une aventure simple, résolument old-school, où Scott s’efface derrière l’efficacité du récit. La clarté de chaque saynète emmène le spectateur dans un ronronnement mécanique, mais pas déplaisant. On pourra regretter le côté édulcoré de l’ensemble, l’aspect commercial du PG13 justifiant qu’un logique “Fuck, fuck, fuck!” (ou “Shit, shit, shit!” si vous préférez) dans une explosion qui réduit des semaines d’effort à néant, soit remplacé par un mou “God, god, god!” peu convainquant. Ou que le film place la Chine en sauveur de manière totalement gratuite pour amadouer cet énorme marché. Mais peu importe, The Martian est au final aussi agréable à suivre qu’il est sans détour. Il s’est embarqué pour une tâche, et l’accomplit, comme un Apollo 13 deux décennies auparavant.

Créée

le 7 juin 2024

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Frakkazak

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