Plus qu’il n’y répond, le premier film de fiction réalisé par Marta Bergman pose de manière brûlante une question, terriblement actuelle, à l’heure du village monde : qu’est-ce que « vivre sa vie » ? Quelle vie, quelle existence peut être considérée comme véritablement sienne ? Et en quel lieu ?
Pamela (Alina Serban), Rom ardente, incandescente, la lèvre sensuelle, refuse la vie humble et sommaire que lui réserve le petit village de Roumanie dans lequel elle est née. Elle rêve d’un « homme bien », qui « prendrait des douches », lui « parlerait gentiment » et l’« aiderait dans le ménage ». L’homme français lui apparaît comme le seul qui soit susceptible de rassembler toutes ces qualités. Prise en main par une agence matrimoniale, c’est vers un Belge d’origine flamande, Bruno (Tom Vermeir, déjà apprécié en 2016, dans « Belgica », de Felix van Grœningen https://www.senscritique.com/film/Belgica/11869100), qu’elle se trouve aiguillée, d’abord virtuellement, via internet, puis très concrètement, par avion.
Le film accompagne ainsi ses premiers pas dans un pays dont elle ne connaît que quelques mots, son installation dans l’appartement puis dans la vie de Bruno, ses tentatives d’insertion parmi les Belges, tentatives touchantes mais maladroites. La caméra de Jonathan Ricquebourg cadre souvent l’héroïne au plus près, ce qui accentue les mouvements et provoque un effet de désorientation, puisque le personnage de Pamela ne peut ainsi jamais anticiper ce qui lui arrive dessus, ni projeter ce vers quoi il lui faudra se tourner. Les couleurs, à la fois sombres et sans éclat, sont finalement identiques, qu’elles peignent la Belgique ou la Roumanie ; seul se détache le souvenir immaculé et lumineux d’une grande plaine de neige, sur laquelle jouait comme un enfant l’amoureux de Pamela, Marian (Marian Samur).
Mais le pays délaissé parviendra-t-il à s’effacer de la mémoire ? Le pays, et les êtres aimés, de la grand-mère à la toute petite fille, qui sont restés sur ses terres pauvres, avec la promesse d’une aide, parfois effective, voire d’une invitation, plus incertaine ? C’est le patient forage de cet écartèlement qui constitue finalement le sujet central ; un écart traduit par les choix vestimentaires de Pamela, qui tiennent de l’uniforme : survêtement et coloris vifs, lorsqu’elle redevient Rom, trimballés par une démarche ad hoc ; tenue urbaine, occidentalisée, lorsqu’elle décide de jouer la carte de la Belgique...
Le titre énonçait un paradoxe, presque un oxymore : le « mariage » n’est en principe pas ce qui laisse « seul »... On comprend finalement qu’il annonçait une trajectoire vouée à se dessiner solitairement, même si des associations sont ponctuellement envisageables.