Des le premier plan le film nous prévient que cette histoire et ces personnages sont fictifs blablabla parce qu'il va nous plonger droit dans la Sicile rurale des années 70 avec assez de brio qu'on serait tenter de croire le contraire. Ha ? Y'a un comme un fond de vérité me dit on dans l'oreillette ? Pas étonné.
L'image dit beaucoup (un peu trop) tout en douceur, sans braquer le spectateur ni tenter de trop le flatter. Les sentiments sont montrés avec justesse souvent sans renier le surjoué du côté italien et les dérives colorimétriques de l'époque.
On s'attarde peu sur la géographie. Le montage est là pour servir le propos et non le scénario. Et on est repus d'arrière plans très denses qui meurent doucement, sans faire de bruit.
On notera aussi une musique de Morricone que j'ai trouvée plutôt sympa et bien utilisée. Pourtant son phrasé et ses contrepoints caractéristiques sont devenus au fil de leur succès de tels tartes à la crème que l’apparition de son nom au générique est devenue la promesse d'un ennui conséquent pour moi .
Il y a aussi un quelques scènes extrêmement symboliques plutôt bien senties , comme celle de la « Cena » des fiançailles. Abjecte consommation de la chair, communion sacrificielle au fond d'un entrepôt ou totu le monde participe; après tout il n'en va que de vie d'une femme.
Une grande partie de l’émotion repose sur les frêles mais fortes épaules de Francesca (Ornella Mutti épatante) la seule à ne s'être pas résignée à la peur. Tout le monde la sollicite, tout le monde lui veut quelque chose. L’île met tout en œuvre pour la broyer mais elle ne rompra pas. Jusque dans la famille de Francesca -des classes les plus inférieurs qu'on puisse trouver - on perpétue le schéma social , on se soumet à l'ordre patriarcal ancien, et à la culture de la vendetta alors qu'on a plus rien à perdre. Enfin si. Un tout petit peu. Juste assez pour tenir une année de plus.
L'ordre bourgeois a de beaux jours devant lui sur ces terres ravagées. Un ile prison d’où l'on ne sort que pour aller en « Amérique » au bon vouloir de quelques uns. Il y a bien quelques communistes qui vendent des lendemains qui chantent et un curé en filigrane qui vend un au delà et un mariage garanti plus blanc que blanc mais le pauvre bougre Poidomani (« Puis demain ») a besoin d'argent maintenant , tout de suite pour nourrir sa famille.
Des promesses, la Mafia, les hommes, le curé tout le monde en fait à Francesca, aux femmes et aux pauvres de ce pays. Mais celles ci « n'engagent que ceux qui y croient ».
Au final il reste ces jeunes femmes qui diront timidement « qu'elle a raison Francesca. ». Et Damiani d'éviter le côté porte-étendard christique grâce à elles dans une scène finale plutôt astucieuse.
Il est fini le temps des Sabines. Tant mieux.