Quand on s'attaque à la lecture des critiques spectateurs de ce film, on lit souvent que c'est cliché, lent, malsain, qu'il ne se passe rien, bref qu'on s'emmerde. Prenons un peu de hauteur pour dire qu'on comprend ces avis. On les comprend comme, par exemple, un amateur de Malher qui lirait des avis élogieux sur Le concerto pour deux voix de Saint-Preux, ça le ferait doucement marrer.
Chacun a un degré d'intimité et d'exigence face à un art. J'y connais pas grand chose en sculpture et pourrais trouver anodine une œuvre dont la grande finesse m'échapperait. Il se trouve que le cinéma, je connais un peu et je suis donc entré dans ce film "chiant et noir" avec un immense plaisir.
D'abord en raison d'un scénario épuré qui joue sur l'archétype de ce type d'intrigue mafieuse et de vengeance. Exercice difficile, délicat et ingrat si on se réfère à nouveau aux mauvaises critiques assez générales. Mais cette écriture précise, faussement simpliste, permet un décalage et une incarnation qui trouveront une superbe force d'évocation avec la mise en scène et la direction d'acteur (incroyable) de Mike Hodges.
Si l'on parvient donc à se détacher de ce premier degré un peu idiot qui est un leurre volontaire de l'auteur et du réalisateur, on pénètre dans cet univers où chaque plan et chaque dialogue acquièrent une singularité assez hypnotique. Le mot est fort mais c'est ainsi que j'ai traversé le film, vaguement fasciné par cette force et cette densité sans esbroufe, joueuse, un brin ironique mais sincère.