Nous sommes en 1995.Fincher sort du tournage cauchemardesque d'"Alien 3".
Le jeune cinéaste est lessivé, dégoûté par sa première expérience sur un long métrage, les excécutifs de la Fox ayant tout fait pour l'empêcher de livrer sa vision du mythe "Alien".Et surtout Fincher à la rage.Et il va trouver un moyen de la laisser s'exprimer de la façon la plus redoutable qui soit, via un scénario diabolique signé Andrew Kevin Walker.
Les deux hommes comptent bien remettre au goût du jour le film de sérial killer, et comptent bien frapper très fort.
Après s'être assuré d'un contrôle total sur le film auprès du studio New Line, Fincher va profiter au maximum de l'aspect sombre et nilihiste du script de Walker pour lacher les chevaux.
La suite tout le monde la connait: John Doe, les 7 péchés capitaux, la pluie inscessante, la déliquesence d'une ville (on ne saura par ailleurs jamais ou se situe l'action du film), plus globalement d'une société irrécupérable, soumise aux pires dépravations physiques et morales, et la fin du film, désespérante de noirceur.
Visuellement, le film est une tuerie absolue, merci au grand Darius Khondji donc, l'un des plus grands chefs-op en activité, pour avoir si bien su restituer cette ambiance d'apocalypse imminent, bien aidé en cela par l'énorme boulot abattu par le décorateur Arthur Max.
Merci à Brad Pitt d'avoir soutenu Fincher lorsque le studio voulait imposer une fin moins sombre que celle, devenue culte, de la "tête dans la boite".Le début d'une longue amitié et d'une fructeuse collaboration.
La mise en scène de Fincher est ahurissante de virtuosité, et bien plus subtile que ce que les nombreux détracteurs du film voulurent nous faire croire lors de sa sortie, les termes "réalisation clipesque" et "tape à l'oeil" revenant trop souvent (même encore aujourd'hui...sérieusement ??) et étant employés à tort.
La seule faute de goût de Fincher aura donc été d'être trop en avance sur son temps ? La claque causée ne serait-ce que par le générique d'ouverture du film, petit chef-d'oeuvre à lui tout seul, ne peut qu'entrainer une réponse affirmative.
En tout cas quelle belle ironie que de constater que le seul Oscar décroché par le film fut celui du meilleur montage...
La seule vraie scène d'"action" du film - la poursuite de John Doe par Mills - reste à elle seule un modèle de découpage, de fluidité et d'efficacité.
Fincher suggère plus qu'il ne montre, et c'est l'une des grandes forces de "Se7en".
Scénaristiquement parlant, c'est imparable aussi: aucune échappatoire vers un quelconque happy end, John Doe ne peut que mener à bien son plan machiavélique.
Ce dernier commet les actes les plus vils, mais lorsqu'il les justifie, un terrible frisson nous parcours l'échine: le "monstre" n'a pas complètement tort, que ça nous plaise ou non, et en profite au passage pour nous asséner en pleine tronche un terrible constat sur les déviances d'une société que plus rien ne choque.La nôtre...
Fincher a réussi son pari, son abnégation a payé, le film est un succès, amasse les critiques élogieuses, et lance définitivement la carrière d'un réalisateur aussi visonnaire que virtuose.
Souvent copié (voire pompé - l'hilarant "Resurrection" de Russel Mulcahy), jamais égalé, "Se7en" n'a rien perdu de son pouvoir de fascination morbide, de son ambiance étouffante, de sa beauté plastique et de son statut d'oeuvre culte.