Edit: Notez la subtilité du titre, que tout le monde n'a pas remarqué, apparemment.
Chère lectrice, cher lecteur, si tu n'as pas vu Seven, je te déconseille de lire ce qui va suivre. Ce film mérite d'être découvert sans influences. Sinon, bonne lecture !
Il y a des films qui ont marqué les esprits et en marquent encore aujourd'hui. Seven en fait partie, et s'il est moins culte que le vénéré Fight Club du même Fincher, il n'en demeure pas moins adoré de beaucoup.
À peine le logo de production a-t-il laissé place à la scène d'ouverture, qu'on est plongé dans l'ambiance sombre et humide d'une ville non-définie, définitivement glauque.
Sans le moindre temps mort, Seven joue la carte gagnante du polar noir. Fincher allant même jusqu'à railler l'appartement de l'inspecteur Mills en le plaçant sous les rails du métro ; même chez lui, le détective n'a pas le droit d'être tranquille. Et toi, petit spectateur captivé, toi non plus.
Le polar, c'est comme le café, je l'aime noir, mais ce n'est pas non plus ma tasse de thé. Souvent, j'en apprécie surtout l'ambiance obscure, le cachet oppressant.
Oppressant, Seven l'est ; plus encore, il en devient apnéique... suffoquant... anxiogène.
Le vieil inspecteur aguerri et désabusé, le jeune inspecteur fougueux et bouillant, ça n'a rien d'original, mais ça marche merveilleusement bien. Si le personnage de Mills peut paraître un peu caricatural quand il s'énerve, ça ne m'a pas dérangé.
Je crois que regarder Seven, pour peu qu'on le fasse dans de bonnes conditions, c'est s'immerger dans une bulle. Une bulle qui vous mets des œillères pour vous couper la vue du reste du monde et vous focaliser sur sa morbidité.
Cette bulle explose peut-être quand les deux flics sortent de la ville accompagnés du tueur qui va leur montrer les deux derniers cadavres de son entreprise. En effet, jusque là le film s'avère linéaire : on ne quitte pas la ville, il pleut quasiment tout le temps, on pénètre dans des endroits dégueulasses ou rendus dégueulasses par la scène de crime. Mais dès qu'on sort de la ville pour rencontrer la finalité de cette histoire, se produit un brusque changement de ton. Le désert, le soleil, la tension.
La réponse du film est aussi fatidique que son parti pris. On comprend vite ce qu'il y a dans la boîte. On se doute bien que Mills va céder à ses sentiments et tirer sur l'autoproclamé John Doe, permettant à ce dernier d'achever son plan. On s'en doute, parce que c'est un Fincher qu'on est en train de regarder, et Fincher, les happy endings, c'est pas trop son truc.
Deviner la fin un peu avant qu'elle n'arrive ne fait que renforcer sa puissance...
...Puissance... Seven est un film puissant. Un film qui vous martèle à vif.
Fincher nous offre sa caméra, de sa photographie extrêmement soignée, de ses plans rapprochés sur les personnages (augmentant ainsi l'intimité qui s'installe entre le spectateur et les deux collègues). Mais aussi de ses anecdotes de tournages : Brad Pitt qui se casse le bras, modifiant le scénario, les livres du tueur écrits à la main...
Il est bon de voir Freeman dans un rôle à sa portée (trop rare), Brad Pitt en vrai acteur (trop rare) Gwyneth Paltrow naturelle et simplement bonne (actrice) et touchante (trop rare) et surtout, SURTOUT, Kevin Spacey, impressionnant dans le rôle du tueur. Calme. Froid. Il m'a donné, à moi et à beaucoup d'autres, ce frisson dans le dos, ce malaise face à ce personnage qu'il a su incarner avec tout l'effacement et l'investissement d'un grand acteur (trop rare).
Tout comme dans Fight Club, Fincher excelle autant dans la mise en scène que dans la direction d'acteurs, la photographie et la cohérence d'ensemble, osant même quelques traits d'humour fin, quasi indétectable, qu'on remarque pourtant, tant il scintille dans la noirceur environnante.
Plus que ses films en eux-même, c'est son talent pour leur donner une ambiance intrinsèque et jouissive qui m'impressionne chez cet artiste. Le même film réalisé par un autre n'aurait certainement pas eu cette portée.
Ce qui peut déranger, c'est bien sûr l'immoralité viscérale de l’œuvre, cachée derrière le talent visuel et scénique du réalisateur.
Allant jusqu'à créer un semblant d'empathie pour le tueur, malgré ses actions atroces, il parvient à briser le manichéisme du polar primaire, et si l’œuvre elle-même n'approfondit pas plus, elle nous invite aisément à réfléchir aux motivations du psychopathe, qui vont plus loin que la basique folie religieuse dans leur message.
Bref, de sa patte bien à lui, Fincher signe un thriller haletant (coucou, je suis la phrase cliché du critique), à mes yeux non dépourvu de fond sous sa forme cinégénique : peut-être n'est il pas profond, mais il amène indubitablement à la réflexion. À moins d'être apathique (comme vous le reproche le blasé Somerset), et de fermer les yeux sur ce qui fait peut-être la véritable force de Seven : l'angoisse de la bassesse humaine.
Et puis, comment ne pas aimer un film qui a inspiré autant de beaux textes:
Gothic
http://www.senscritique.com/film/Seven/critique/1744847
TheBadBreaker
http://www.senscritique.com/film/Seven/critique/24497474
socrate
http://www.senscritique.com/film/Seven/critique/6784105
Bondmax
http://www.senscritique.com/film/Seven/critique/25903456
Velvetman
http://www.senscritique.com/film/Seven/critique/30648410
Djee VanCleef
http://www.senscritique.com/film/Seven/critique/17327155
drélium
http://www.senscritique.com/film/Seven/critique/1435706
Sept critiques capitales.