Tartuffe et La Femme Coupée en Deux, avec montage prémonitoire? Fincher en Molière sanglant?

Série de presque 77 remarques en désordre:

  • Je l'ai encore revu et je ne remarque que maintenant que la femme est réduite quasi qu'à une tête dés le début du film, mais au montage. Je crois qu'on ne voit jamais ses jambes et pieds, même lors du repas chez eux ou au restaurant où elle n'est même que femme-tronc aux bras nus. Par exemple, lors de la scène de repas chez eux, le cadre lui-même a un cadre qui la guillotine, constitué par la fenêtre intérieure donnant sur la cuisine d'où elle répond au collègue de son mari. Et lors du repas thérapeutique au Dinner/restaurant entre elle et le sage partant à la retraite, tentant de lui remonter le moral (où elle lui annonce en primeur qu'elle est enceinte), elle est réduite à son tronc et surtout à sa tête, plus que l'homme qui lui parle. Ils sont à la fin de la scène filmés chacun leur tour, je crois que ça s'appelle champ contre champ, mais à la toute fin de la scène, si on voit le cou et épaules du encore bouleversant Morgan Freeman filmé par dessus l'épaule de Gwyneth Paltrow, la dernière vision d'elle très prémonitoire n'est que sa tête coupée ras par l'épaule de Freeman; on ne voit pas le cou et les épaules de l'actrice!
  • sa tête tombe même , juste avant sa confession d'être enceinte: elle se tient la tête.
  • même quand elle est filmée sur le lit, 2 ou 3 fois, allongée sur le ventre, tête sur le côté, elle a l'air d'avoir la tête sur le billot
  • un vrai montage prémonitoire, volontairement ou pas, consciemment ou pas: Paltrow est surtout réduite à sa tête, dés sa 1e apparition et dernière
  • même en vie, au début, on est préparé à son hors-champ final: il n'y a par exemple déjà aucun plan sur elle lors de la conversation de téléphone (celle de l'invitation au repas; repas où elle sera réduite à une femme tronc).
  • le film est aussi un bon rappel qu'avant internet (où ton historique de porno est espionné), l'historique de tes emprunts à la bibliothèque était aussi espionné et re-consultable. J'avais oublié la scène où Fincher dénonce déjà les écoutes et enquêtes anonymes et illégales empiétant sur la vie privée des gens: 15 ans avant The Social Network et avant d'autres révélations sur les systèmes d'écoute généralisés, même de la population 'normale' (comme Echelon: "système mondial d'interception des communications maintenu par plusieurs pays").
  • les artistes sentent l'air du temps et parfois prédisent l'avenir, volontairement ou pas : désormais que nous sommes encore plus en pleine guerre contre les Islamistes même en Europe, je réalise que ce film de 1995 est déjà sur un coupeur de tête intégriste, qu'ils tentent aussi d'estampiller comme à chaque attaque en France ou Angleterre de "dérangé"...comme les intégristes qui attaqueront en France des enfants dans une cour d'école et décapiteront un prêtre en église:
"ça vous rassure, vous, de me dire fou, moi/comfortable to label me insane" dit Kevin Spacey à Brad Pitt dans la voiture de police à la fin...ajoutant "je serai suivi". Difficile de ne pas penser aux intégristes coupeurs de têtes et leurs procès en cours qui sont en effet très "suivis".
  • c'est d'ailleurs glaçant que ce soit l'optimiste qui finit avec sa famille massacrée et son proche amour décapité par l'intégriste....glaçant dans l'ignoble pathétique réducteur débat actuel entre "bisounours" (sic) et supposés "réalistes" (sic):
  • au bar, Brad Pitt est clairement filmé en train de contester l'avertissement réaliste du vieux sage Réac: il semble incarner le bisounours optimiste qui ne veut pas abandonner et l'autre incarne le réaliste qui connait le cercle de l'enfer qu'est devenu le monde...(au début du film, il rappelle à son boss qu'il a été abasourdi qu'une victime de vol, soit ensuite éborgnée au sol volontairement par l'agresseur)...
  • ...en fait, il n'est pas abasourdi, il ne l'est plus, il semble amorphe, comme une victime de choc , le flic de Freeman semble plutôt désensibilisé.
  • "Moi, je dirais pas que tout est pourri...je suis pas d'accord" insiste et lui crie Brad Pitt et c'est lui que David Fincher choisit clairement d'avoir sa famille décapitée. (ses derniers mots pour elle sont "Je t'aime chérie, tellement fort".
  • j'aime comme Fincher met bien en image l'opposition old school/nouvelle génération; visuellement soulignée par des infos sur eux:
  • Brad Pitt est ordinateur, bière et télévision (avec du basketball quand il bosse chez lui)
  • Morgan Freeman est encore machine à écrire, vin et livres papier
  • Pitt lui verse même son vin dans une pint de bière! (un des rares gags du film)
  • ironique et impressionnant que ce soit Kevin Spacey qui joue le donneur de leçon Tartuffe.
  • Son personnage s'auto-punie et organise son suicide et mise à mort par intermédiaire.
  • Son personnage conteste que le jeune-homme qu'il a torturé et drogué pendant un an sur son lit soit "innocent" car c'était un "drogué et pédéraste" (il le crie en VF et VO): un reproche que David Fincher associe aussi clairement à la police puisqu'un des policier murmure au torturé "tu as eu ce que tu mérites"; DONC visuellement, Fincher associe une partie de la police au psychopathe justicier??
  • je découvre que l'interprète du drogué porte le nom du prof perturbé...dans South Park qui donne des cours anti drogue: Michael Reid MacKay ("drugs are bad... mmm kay")
  • je regrette que la chaine TNT 20 a supprimé le générique de fin en le coupant par une pub Saunier Duval « Toujours à vos côtés » ...
  • Fincher rend beau même une toute simple scène de sortie des voitures de police d'un garage: juste une pente noire Pierre Soulages, mouillée, avec des reflets gris et argent.
  • ...comme pour les scènes de Freeman dans les couloirs de la bibliothèque, magnifiée en église...il rend belles ses travées entre les étagères.
  • le gag et histoire de Gwyneth Paltrow, qui fait éclater de rire Morgan Freeman et brise la glace entre lui et Brad Pitt, rappelle celui inventé par Jean-Loup Dabadie et Yves Robert pour les copains qui achètent une maison pas chère mais tout tremble quand la grève des avions cesse, ici aussi, les visites de l'appartement se faisaient quand il n'était pas bruyant.
  • donc 15 ans avant Social network, Fincher mentionne les coups de canif au respect de la vie privée car avant l'historique des recherches d'ordinateurs, l'historique des recherches en bibliothèques sont accessibles par autorités
  • donc 12 ans avant Zodiac, Fincher rend un très bel hommage aux journaux car la nouvelle du deuxième meurtre (de l'avocat) n'est ici que visuellement montrée d'abord par les belles UNES de journaux; les pages de journaux sont honorés par le montage.
  • le film est d'ailleurs un hommage aussi à l'écrit, aux livres, aux bibliothèques, à la lecture...Freeman pousse Pitt à repasser son bac français: il rappelle l'importance de la culture générale dans tous les métiers. J'adore désormais les scène où Pitt se plonge dans des livres et a un ami qui lui fait même parvenir des abrégés qui me sont familiers, ceux expliquant des pièces de Molière sans les lire etc. ("œuvres majeures de la littérature classique et contemporaine, analysées avec précision et sensibilité par des spécialistes"..."Dans chaque titre: – le résumé et les repères pour la lecture"...)
  • je me souviens l'avoir vu à sa sortie au beau cinéma Astoria à Lyon, du fond de la salle, ma tête à moi appuyée contre le beau velours du mur (rouge comme l'auberge et ses têtes coupées), mes jambes allongées dans une belle travée bien pratique, mais quand j'ai vu que la salle était pleine et bruyante, j'ai regretté m'être précipité dés sa sortie...mais je peux témoigner que ce générique a fait taire et calmer tous les fâcheux...ce générique, d'un genre glaçant alors assez inconnu et plutôt rare, a eu un bel effet couverture anti-feu sur ma bande de voyous...toute la salle a fait silence:
  • https://www.senscritique.com/liste/generiques_helas_pas_souvent_faits_par_le_realisateur/1172636
  • https://www.senscritique.com/liste/les_facheux_il_y_a_un_tare_dans_la_salle_quand_je_vois_ce_fi/1097854
  • Créée

    le 21 oct. 2022

    Critique lue 131 fois

    19 j'aime

    9 commentaires

    Critique lue 131 fois

    19
    9

    D'autres avis sur Seven

    Seven
    Veather
    8

    Le sang coule dans Seven

    Edit: Notez la subtilité du titre, que tout le monde n'a pas remarqué, apparemment. Chère lectrice, cher lecteur, si tu n'as pas vu Seven, je te déconseille de lire ce qui va suivre. Ce film mérite...

    le 7 févr. 2015

    161 j'aime

    30

    Seven
    DjeeVanCleef
    9

    Merci.

    Le plus étonnant c'est qu'il suffisait de réfléchir un instant, de ne pas jeter ton flingue mon bon Somerset, pour qu'aujourd'hui je ne sois pas éternel. Enfin pas vraiment moi, mon œuvre. C'était...

    le 30 juil. 2013

    156 j'aime

    15

    Seven
    drélium
    7

    Critique de Seven par drélium

    Avec spoilers. Je me souviens encore sortir du cinéma en 96 violemment claqué de façon inédite, pas une claque usuelle. Ce film était oppressant, suintant, dégoulinant, désagréable, répulsif et...

    le 8 mars 2013

    142 j'aime

    39

    Du même critique

    Rencontres du troisième type
    PierreAmoFFsevrageSC
    10

    si je tombe dessus en zappant, je suis perdu car je le regarde jusqu'au bout

    Essayez de le voir en extérieur! Le cinéma sous les étoiles prend alors tout son sens: quand la bordure de l'écran se confond avec le ciel. Vu il y a des années dans un théâtre romain à ciel ouvert...

    le 3 nov. 2014

    64 j'aime

    15

    Baby Driver
    PierreAmoFFsevrageSC
    10

    'On connaît la chanson' visuel; 'Le Transporteur' chantant

    (modifiée 08/01/2019 où j'apprends dans un bonus OCS que les chansons étaient choisies et leurs droits achetés 4 ans avant le tournage du film; les acteurs jouaient sur la musique avec parfois des...

    le 18 août 2017

    63 j'aime

    56