Tous ceux qui ont eu envie de crier 'Bravo' à la fin d'Alien 3 ont attendu ce film une boule dans la gorge et les yeux brillants. Sur le papier, c'est Lethal Weapon vs Silence of the Lambs. Rien de folichon pour les nineties où les tentatives du genre pullulaient, mais une ouverture dépressive et un générique techno-cracra réussissent sans conteste à hisser le film bien au dessus.
Fincher est de toute évidence un esthète exigent, et bichonne son écran : lumière et cadre impeccable, envolées lyriques et surtout authentique attachement à ses personnages. Comment résister à Brad qui cajole ses chiens, hein ?
Bref, l'incipit est de bon augure.
Ensuite, la plume d'Andrew Kevin Walker va se déchainer pour inventer un psychopathe de derrière les fagots. Ce n'est pas le diable, ce n'est qu'un type avec une carte de bibliothèque... Une bonne manière de s'écarter d'un sempiternel remake du Buffalo Bill de Jonathan Demme. Son John Doe, on ne le voit qu'à travers ses résultats : dégoutant, mais précis, méticuleux et très cultivé.
C'est d'ailleurs l'occasion de disserter sur les tréfonds de notre société, l'apathie, et l'absence de motivation pour s'instruire ( "Vous avez toutes la culture à portée de main et vous jouez au poker !" ).
Ajoutons à ça une scène de poursuite qui fait intelligemment surgir la violence dans le quotidien des figurants pour obtenir assurément l'un des meilleurs films de l'année.
MAIS
Survient la scène où John Doe se rend. Tout le monde s'en souvient : "Detective... Detectiiiive !!"
Coup de théâtre ! Qu'est-ce à dire ? Couvert de trois sortes de sangs différents, le méchant se rend aux autorités, pour mieux imposer sa tuerie ultime.
Or Kevin Spacey attaque le rôle en roulant des yeux comme un chien fou : " On vouaa le péééchééé partooouut... Et on le tôlèèèreuh !! " aux antipodes de ce qu'annonçait de plus brillant le scénario !
L'idée de ce tueur méthodique et froid est complètement balayée. Meh. Faisons comme tout le monde, après tout. Qui ça intéresse, l'originalité ?
C'était bien la peine de se casser le cul à décrire un John Doe humain et palpable dans les deux premiers actes. Finalement c'est bien un petit diablotin qui fait chier les flics sur une question de principe...
J'entends d'ici tous les "ouaaais, mais tu vas pas dénigrer le film juste pour ça, la fin est brillante !"
Bien. Ok. Alors reprenons ensemble la folle journée de John Doe.
Le matin, il s'épluche les doigts, comme d'hab (Sang N°1) puis il va rendre visite à 'Pride' pour lui lacérer le visage (Sang N°2) et direction Mme Paltrow :
- Bonjour madame voulez-vous répondre à mes questions pour une enquête ?
- Eeuh vous avez du sang plein les doigts.
- C'est ce matin en me rasant...
- Mais bien sûr, où avais-je la tête ? (Sang N°3)
Hop, il fourre la tête dans une boite mystérieuse et fonce chez FedEx :
- Je veux que vous livriez ceci DIMANCHE, AU MILEU DU DESERT.
- Vous avez du sang partout.
- On n'est pas là pour parler de moi !
- On travaille pas le dimanche.
- Oh que si.
Hop, il enfourne un taxi :
- Au commissariat, et que ça saute !
- Vous êtes couvert de sang, vous allez saloper ma banquette arrière !
- J'ai mes règles.
N'importe quoi.
Une autre solution serait qu'il se soit scrupuleusement nettoyé entre chaque meurtre, tout en conservant des fioles de sang de ses victimes, et arrivé dans le taxi, il se les verse dessus.
- Au commissariat !
- Qu'est-ce que vous foutez avec ces fioles ?
- T'occupe, ducon, t'y connais rien en scénario, je prépare un effet d'annonce de ouf' !
Comme tout un chacun, j'aime l'idée que le tueur manipule Monsieur 'Wrath' pour mettre fin à ses jours parce qu'il était 'Envy', mais l'exécution est dépourvue de tout sens.
Ces vingt dernières minutes me poseront toujours problème. Ça me gâche tout ce qu'il y avait de bon dans le reste du film puisque l'esbroufe est trop évidente.