A la manière de certains grands cinéastes, Kiyoshi Kurosawa affronte la conjoncture financière du cinéma de son pays avec pragmatisme. Son cinéma a du mal à trouver un public de masse et, tout naturellement, il doit adapter ses fantasmes à la réalité économique. Si Takashi Miike tire son épingle du jeu en jouant la surenchère, Kurosawa n’est pas connu – pour l’instant – pour son sens de l’entertainment. C’est donc vers la télévision qu’il va dans un premier temps se tourner en revêtant, le temps d’une série, le costume de showrunner. Shokuzai, diffusé en France sur grand écran, trouvait une place plus adaptée à la télévision.
Là où Spike Jonze pioche avec parcimonie dans l’album d’Arcade Fire, The Suburbs, pour son magnifique court métrage dystopique Scenes From The Suburbs, Kiyoshi Kurosawa relègue ici la chanson-titre de l’artiste pop Atsuko Maeda, Seventh Code, au rang d’anecdote. Il ne s’agit pourtant pas vraiment d’un film, et encore moins d’un vidéo-clip, mais plutôt d’une expérience visuelle – à la façon d’un Jean-Luc Godard – honorant un contrat pour une publicité. Cherchant sans doute à rendre son image plus respectable, la chanteuse pop Atsuko Maeda a proposé à sa maison de production d’utiliser les talents du réalisateur de Cure. Assez vite, on comprend que la musique de la belle n’est pas vraiment ce qui intéresse le cinéaste. Le deal passé avec les producteurs consistait à accepter la commande à la seule condition que la chanson ne soit pas le cœur de l’œuvre. Les financiers, de leur côté, exigeaient seulement qu’il ne dépasse pas le budget convenu.
On se demande parfois où va l’argent lorsque les réalisateurs se contentent de filmer un clip de 5 min. Avec la même somme, Kurosawa offre une vidéo d’une bonne heure à la gloire de Maeda, tout en élaborant une œuvre typique de son travail : on retrouve tout à la fois son goût pour la déambulation, les usines en ruine, les apparitions fantomatiques et, bien sûr, la destruction, trahissant ses angoisses vis-à-vis d’un holocauste nucléaire. Certes, l’expérience ne s’impose pas comme l’une de ses grandes réussites, la faute à de nombreuses incohérences, classiques dans le registre du vidéo-clip. Difficile néanmoins de ne pas applaudir la performance, la façon dont il parvient à imposer son programme au sein du projet artistique de la starlette. De la chanson, d’ailleurs, nous n’entendrons qu’une petite minute, balancée avec un beau je-men-foutisme par le réalisateur. Après tout, l’important est pour lui de continuer à travailler comme il le peut.
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