"J’ai deux passions dans la vie, la sexualité de groupe et les maisons normandes."

La face connue de la carrière de Claude Berri navigant entre pépites comme Uranus et déchets comme Une femme de ménage ne laissait pas vraiment supposer l'existence de curiosité anarchisante pareille, caractéristique du cinéma français de la fin des années 60 et du tout début des années 70, dans la lignée de pamphlets libertaires à tendance féministe comme La Fiancée du pirate de Nelly Kaplan. Mais si Sex-shop n'atteint manifestement pas ce niveau d'avant-gardisme dans cette direction-là, il se révèle malgré tout comme une comédie gauloise très agréable et intéressante à regarder encore (ou surtout) 40 ans après sa sortie.


Les deux gros arguments du film, ce sont certainement les deux rôles masculins principaux, avec Claude Berri en libraire un peu austère et triste qui transforme sa boutique en sex-shop pour éviter la faillite et Jean-Pierre Marielle en dentiste fort avenant aux perversités multiples l'entraînant dans divers coups fourrés caractéristiques de sa lubricité déviante. Comment le dire autrement : ils sont parfaits dans leurs rôles respectifs, l'acteur-réalisateur dans la peau de ce vieux garçon au physique ingrat emprisonné dans une grisaille existentielle et qui se découvre une passion pour les pratiques sexuelles non-orthodoxes, et la superstar Marielle des grands jours, dans une forme olympique qui rappelle des étincelles grivoises du type Les Galettes de Pont-Aven même s'il occupe un rôle moins prépondérant ici.


On peut regretter la relative faiblesse des rôles féminins peu développés, Nathalie Delon et Juliet Berto peinant dans l'ensemble à occuper l'espace laissé par leurs maris, à commencer par elles. Même Claude Piéplu en officier enclin aux plaisirs charnels ou Jacques Martin en pote aux bons plans marquent davantage les esprits en dépit d'une présence beaucoup plus ténue. Disons que aussi fort que soit poussée la remise en cause des normes phallocentrées (dans le style "ben chéri, si tu veux qu'on fasse un plan à trois avec une fille, j'ai le droit de vouloir la même chose avec un homme"), avec un naturel très étonnant pour évoquer diverses pratiques sexuelles en 1972, il est difficile de ne pas voir l'objectification du corps féminin à l'œuvre tout de même.


Mais tout de même, c'est un sacré film planté le décor du cinéma français de l'époque, agrémenté d'un thème musical composé par Serge Gainsbourg. Ironiquement le film traite également du fait que certains plaisirs ne peuvent pas être achetés dans un sex-shop (comme par exemple l'amour qui existe entre l'homme et sa compagne). Mais c'est surtout la folie et l'impertinence de certaines séquences qu'on retiendra, au moins autant que les nombreuses tirades de Marielle le partouzard toujours collector, "Mon cher Claude, j’ai deux passions dans la vie, la sexualité de groupe et les maisons normandes" avec un grand sourire caché derrière sa moustache, ou encore, autour de la norme, "Imaginez un monde normal, où à partir de 12 ans on vous apprendrait à bien faire l’amour et à ne pas être jaloux. Je vous le dis tout de suite : j’aime bien mon métier, je suis dentiste, mais alors je laisse tout tomber je me fais prof".


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Morrinson
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le 26 avr. 2023

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Morrinson

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