Le cinéma turc et la propriété intellectuelle c'est un peu comme le politique et le citoyen il s'en bat royalement les steaks dans une roulette à kebabs. Un an après la sortie du traumatisant film L'Exorciste de William Friedkin aux USA, Metin Erksan nous sort donc Seytan sur un scénario de Yilmaz Tümtürk dont le boulot va surtout consister à vaguement bidouiller le script original à la sauce locale. Car Seytan n'est pas simplement un film inspiré par L'Exorciste mais un remake qui reprend non seulement toute l'intrigue du chef d'œuvre de Friedkin mais lui pique aussi des pans et des plans entiers, des dialogues et bien sûr la musique inoubliable de Mike Oldfield.
Bienvenue à Istanbul ou une jeune fille de 12 ans prénommée Gül se comporte bizarrement au grand désespoir de sa mère qui l'élève seule. Après plusieurs examens médicaux qui ne changeront rien à l’état de la jeune fille sa mère persuadée qu'elle est possédée par Satan (Seytran) fera appel à un écrivain psychologue et un religieux pour chasser le démon de sa fille.
Quand on s'embarque dans ce genre de trip cinématographique c'est rarement qu'on est à la recherche de la perle rare mais plutôt dans l’espoir de se payer d'une bonne tranche de rigolade devant un merveilleux nanar. Malheureusement Seytan est loin des niveaux stratosphériques que peuvent atteindre certains films turcs dans le registre du portnawak hystérique ; ici la mise en scène et le montage sont assez posés, le niveau d'interprétation est relativement correct et l'histoire (vu qu'elle pique tout en surface au film de Friedkin) reste cohérente. En gros Seytan c'est L'Exorciste version wish, une grossière contrefaçon tournée en Turquie avec moins de budget et surtout beaucoup moins de talents. Si l'on sourit souvent et que quelques séquences sont même assez drôle dans l'ensemble Seytan est surtout assez chiant à regarder et il faudra attendre le fameux exorcisme final pour s'approcher enfin aux confins du vrai bon nanar. La mise en scène très plan plan de Metin Erksan est assez paresseuse en essayant de temps en temps de copier les plans de Friedkin mais se contentant le plus souvent de plans fixes très basiques et de champs contre-champs systématique. Le petit truc en plus de Metin Erksan c'est la dramatisation à coup de zoom avant, zoom arrière dont il use et abuse durant toute le film à se demander si Jess franco n'avait pas fait une pige de cameraman sur le film. Quant à l’interprétation je retiendrais tout de même Meral Taygun très convaincante dans le rôle de la mère de Gül (La Regan d'Istanbul), héroïne blonde dépassée par les événements l'actrice possède un petit quelques choses qui ne dépareillerait pas dans un giallo de la grande époque. Elle est en tout cas bien plus convaincante que Canan Perver qui a la lourde tâche de tenter de nous faire oublier Linda Blair et qui clairement n'y parviendra jamais quand bien même elle y met du sien à coup de grimaces et de gros yeux ronds.
Seytan reprend donc la trame de L'exorciste, l'expurge de nombreuses références religieuses sur le bien et le mal, l'édulcore sur certains aspects pour livrer un plagiat fadasse mais parfois rigolo. Le père Karras est ici remplacé par Tugrul Bilge un psychologue et écrivain qui a écrit un livre sobrement intitulé : Seytan Essai sur le phénomène de la possession démonique de l'âme et la cérémonie de l'exorcisme dans les religions universelles selon les études contemporaines sur les maladies mentales … On retrouvera donc la plupart des séquences fortes de L'Exorciste avec Gül qui se pisse dessus, Gül qui crache des gros mollards verts, Gül a qui le démon fait tourner la tête à 180°, Gül qui prend la voix et l'apparence de la mère de Tugrul, Gül qui monte en lévitation les bras en croix… On aura même droit à la scène de masturbation blasphématoire mais en plus soft et moins explicite puisque Gül à genoux sur son lit se donne des coups de poignards dans le bas du ventre et le haut des cuisses sans cracher des Jésus te baise à chaque pénétration de la lame. D'ailleurs la petite Gül est bien plus polie que son homologue américaine et elle n'ira pas raconter à Tugrul que sa maman fait des choses pas très religieuse avec sa bouche en enfer. De toute façon la consigne reste la même pour vaincre le démon il ne faut pas l'écouter car il ne faut pas oublier qu'elle ment Gül tout le temps. Si la version turcwish de Regan est bien moins grossière verbalement, elle fait en revanche plein de bruits bizarres qui vont de la mobylette à la voiture de course en passant par le hennissement d'un vieux cheval qu'on traîne vers abattoir ou des glouglou étranges. Elle a aussi la main leste la petite comme lorsqu'elle cogne les burnes d'un hypnotiseur venu pour essayer de l'aider avec un joli effet comique involontaire digne d'une bonne vieille comédie pouet pouet à la française. Même si c'est pas la grosse poilade, ce Seytan nous propose quand même pas mal de moments très amusants pour passer un bon moment.
Mauvais film, pâle copie pourtant colorée de L'Exorciste, Seytan est à la frontière entre le navet et le nanar, dans ce no man's land étrange dans lequel le mauvais ne bascule pas encore tout à fait dans la superbe. Comme son personnage possédée on sent que le démon du nanar est bel et bien là à fleur de peau mais il peine à pleinement sortir pour nous exploser à la tronche même si occasionnellement il révèle une bonne partie de son potentiel comique.
Ma Note Nanar : 05/10