Pendant la Seconde Guerre mondiale, une jeune mécanicienne (Maude Garrett) voyageant avec des documents top secret à bord d’un bombardier B-17 est confrontée à une présence maléfique qui risque de compromettre sa périlleuse mission...


La dernière fois que j'avais vu cette chère Chloë Grace Moretz, c'était en salles, en 2018 avec le remake du Suspiria de Dario Argento par Luca Guadagnino (une bonne surprise pour ma part, si, si) et le demi-ratage par contre de Greta, du pourtant talentueux (d'habitude) Neil Jordan. Les mauvaises langues diront que c'est Isabelle Huppert qui a un peu vampirisé le film, certes, certes...


Et puis... plus rien.
La faute bien sûr à toute la situation actuelle. Mais même avant la réouverture des salles, en VOD et en DVD/Blu, les derniers films sortis ne me convainquaient pas des masses (d'ailleurs même avec la réouverture des salles je peux pas dire que je sois pour l'instant tombé sur un truc qui me fasse vibrer vraiment à fond, damned...).


Et puis voilà Shadow in the cloud avec son pitch alléchant, son statut de genre entre deux mondes différents (le film de guerre et le fantastique) et le retour de ma chère Chloë. Autant dire que celui-là je l'attendais et croyez-moi je n'ai pas été déçu. Et autant le dire tout de suite même si le film se tire une balle dans le pied de temps en temps du fait de sa gestation houleuse, j'ai quand même bien pris mon plaisir à celui-ci.


Basé sur un scénario en premier de Max Landis (fils de...), puis remanié par la réalisatrice Roseanne Liang en chemin (le premier ayant visiblement été accusé d'harcèlement et un peu viré du projet vite fait --on ne le mentionne jamais dans les bonus du film, j'ai un peu halluciné), le film a subi une réécriture visible en quelques endroits. De légères coutures ça et là pas bien méchantes (même si TOUT l'équipage quasiment qui est bien macho/misogyne (1) est d'une rare lourdeur) quand d'autres gênent un peu la cohérence narrative et psychologique de l'histoire et des personnages (j'y viens plus loin).


De ce qui était au départ une chouette série B, le film a donc très vite été récupéré sous étendard d'une cause qui si elle est essentielle évidemment, est hélas souvent de plus en plus ramenée à une considération liée soit à l'air du temps, soit au commerce (ce qui évidemment en amoindrit la portée et le message une fois de plus (2)). On a donc une transformation brutale de l'héroïne en chemin sans qu'on comprenne vraiment une telle libération physique, ce qui gâche un peu le film pour peu qu'on accorde un peu de crédit non pas au réalisme (il est évident qu'il y a du fantastique ici) mais à ce qui a été posé comme base de départ et de sous-entendu (le contrat tacite passé inconsciemment avec le spectateur où celui-ci accepte le film et se l'accapare pour peu qu'on ne le prenne pas trop pour un neuneu). Cela dit pour ma part comme je l'ai écrit plus haut le constat s'avère assez positif. Parce que par exemple le long-métrage a le bon goût de faire monter lentement la sauce, ne dévoilant pas tout de suite les ennemis se cachant à haute altitude, qu'ils soient humains (la présence aussi avancée de japonais en ces territoires de Nouvelle Zélande) ou totalement autre (la créature dont le scénario dans un premier temps joue habilement pour nous faire croire à une hallucination du personnage de Maude comme d'autres pilotes avant de véritablement se dévoiler, agressive et retorse). Mais l'ennemi peut aussi être dans un espace purement mental et le film n'hésite pas intelligemment à le montrer : ce sont les brimades odieuses et machistes de l'équipage peu habitué à avoir une femme sur leur avion (quitte à en faire trop comme je l'ai dit), tout comme la claustrophobie en altitude, la peur de l'isolation aux portes de la folie qui peuvent guetter l'héroïne.


A ce sujet, on retiendra d'ailleurs le travail de préparation costaud de l'actrice principale qui, déjà claustrophobe à la base comme elle le révèle dans les coulisses du film (en bonus), à dû passer deux semaines à s'entraîner seule et isolée du reste de l'équipe dans une réplique de tourelle arrière de B-17, à 15% en plus de la taille originale dans l'espoir de pouvoir y placer la caméra afin d'y être plus proche de la psychologie du personnage.


Ce qui s'est avéré en fait impossible tant l'habitacle est encore trop exigu.
Tout s'est alors joué dans des cadrages et placements de caméra ingénieux qui évitent habilement une mise en scène plan-plan et relancent constamment l'intérêt filmique. Toute la première partie du film est ainsi filmée aux côtés de Maude, les autres protagonistes de l'avion ne nous étant plus perçus que par des voix éloignées entendues à la radio (seul lien au début entre l'héroïne et l'équipage) et dont le drame grandissant hors-champ (ils finissent aussi par percevoir le gremlin ! Flûte j'ai vendu la mèche, mais en même temps c'est un secret de polichinelle) finit par inquiéter de plus en plus. Un choix de mise en scène intimiste mais audacieux qui se révèle payant : compensant un tournage réduit (6 semaines à peine) et mené tambour battant (la scène finale située en un certain lieu n'aura que deux jours d'autorisation de tournage, étant une zone naturelle protégée) avec un budget minime de film indépendant, le film tire pleinement les leçons de la série B : faire le maximum avec le peu que tu as.


Ne cachons pas plus que ce qu'on voulait voir dans le film était la fameuse incursion du gremlin dans le cadre du film de guerre et c'est réussi. Si évidemment les références existent et je ne vais pas toutes les citer (qu'on se souvienne donc juste par exemple du segment "Cauchemar à 20000 pieds" du film à sketchs de La quatrième dimension (The twilight zone) de George Miller qui s'inspirait déjà d'un excellent épisode de la série originale des 60's ou par exemple de nos chers gremlins, non plus en altitude, de Joe Dante et Steven Spielberg), le film diverge avec malice sur sa propre voie dans un discours moderne et féministe (3) qui fait écho aux héroïnes cinématographiques (impossible de ne pas reconnaître quelque part la persévérance d'une certaine Ellen Ripley dans la seconde partie du film, bien sûr). La créature étant d'ailleurs entièrement en CGI et non animatroniques, mais en cela signées par le studio Weta (déjà responsables entres autres de ceux du Seigneur des anneaux), gage de qualité à l'écran donc.


Et si j'ai peu de grief envers le film il faut quand même que je cite un passage lié donc aux réécritures, qui a failli me sortir du film à mi-chemin et m'a un peu gavé. Sans spoiler je dirais qu'en termes d'écriture justement, on aurait pu préciser bien au début qu'à ce stade l'héroïne était je sais pas moi... championne d'escalade au vu de la scène en question ! Pas pour rien que je citais Ripley plus tôt parce que quitte à jouer dans la badassitude, il y a le Ripleymeter (3) en face et ça se pose là. Quand on introduit une scène avec Ripley qui conduit une grue mécanique dans la première partie d'Aliens de James Cameron par exemple et en précisant "qu'elle a une licence de classe B", c'est pour permettre à la scène, loin d'être purement anecdotique, de jouer un rôle central plus tard dans le film. C'est quelque chose qui fait partie du processus d'écriture où l'on introduit des éléments en amont qui vont servir pleinement au récit plus tard et ne pas prendre le spectateur pour un neuneu comme je l'ai écris plus tôt, parce que justement on lui a inconsciemment précisé que Ripley pouvait conduire des véhicules spéciaux. On est donc moins surpris quand Sigourney Weaver enfourche la fameuse grue mobile, mieux, on jubile au vu de la scène en question vers la fin du film. Là, la séquence d'action de Shadow in the cloud en plein vol tombe comme un poil dans la soupe parce qu'elle arrive comme ça sans qu'on nous ai jamais dit que le personnage de Maude avait des hauts faits d'armes à son actif ni même ne nous l'ai laissé entendre en amont. Donc ça te sort quasiment du film, c'est con.


Après j'avoue qu'au final j'ai passé un bien chouette moment. J'étais venu y chercher un film d'aventures, de guerre avec une pointe de fantastique et c'est exactement ce que j'ai eu même si j'ai dû me farcir des trucs pas jojo durant la séance. Et je pense que c'est aussi en soit lié au professionnalisme de toute l'équipe du film. On sent la documentation en force, la reconstitution passionnée et c'est ça qui est bon.


Le B-17 en question n'est donc pas un fond vert basique plaqué comme ça, non, ils ont véritablement reconstruit la quasi intégralité de l'avion (ou presque, il faut bien avoir des pans ouverts pour y placer la caméra) en studio. A notre époque où l'on use et abuse de l'ordinateur, ça frise le respect. L'avion reconstitué à même fini dans un musée après le tournage d'après le producteur (lequel y est allé aussi de sa pâte sur certains plans pour jouer la créature et permettre aux comédiens de savoir comment intéragir avec elle. Ah bah on a pas toujours les moyens de se payer Andy Serkis hein, huhu). Le clin d'oeil d'ouverture reprenant un dessin animé (reconstitué ? d'époque ?) évoquant façon propagande le fameux gremlin face aux pilotes de la seconde guerre mondiale et insistant bien sur le fait qu'il puisse s'agir d'une hallucination du pilote pour se dédouaner est d'ailleurs tout à fait dans le ton et correspond à certains dessins animés projetés alors non seulement au public comme aux militaires pendant cette période. Et même dans le générique de fin qui reprend des images d'archives, j'ai pu reconnaître et comparer des dessins animés de la seconde guerre mondiale, aujourd'hui tombés en désuétude ou censurés qui ne passeraient pas sur Youtube (j'ai pourtant pu les voir là bas grâce à une chaîne qu'on sent passionnée de curiosités !) parce qu'un peu limites (bah c'est tout un contexte qu'il faut restituer aussi). Un dernier mot aussi sur l'excellente musique synthwave de Mahuia Bridgman-Cooper qui accompagne la bande son du film : c'est du solide, vous pouvez y aller confiants.


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(1) Et comme tous ces hommes sont odieux et méchants et bien ils vont tous mourir bien sûr. Subtilité quoi... On se croirait revenu aux bases du slasher où tous les jeunes hommes comme femmes mouraient d'une sexualité trop libérée et pointée du doigt dans la lecture qu'on pourrait faire du scénario. Mais ces slashers en grande partie des 80's avaient le bon goût justement de ne pas appuyer le message, parfois de le détourner intelligemment, de montrer ses persos souvent dénudés pour un peu rien, de se marrer tant dans les mises à morts du croquemitaine à l'oeuvre, soit carrément en rigolant ouvertement de tout le film et mettant le spectateur dans sa poche (coucou Week-end de terreur)...


(2) Comme je sais que mon lecteur ou ma lectrice est heureusement plus intelligent que le public que plein de films visent, je ne lui ferais pas l'erreur de lui mâcher tout le travail bien sûr. :)


(3) Je dépose le brevet bientôt, vous emballez pas.

Nio_Lynes
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Créée

le 24 juin 2021

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Nio_Lynes

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