Un William Shakespeare jeune et sans tabou, que l'on a envie d'appeler "Will"
Synopsis
Le film commence pendant l'été 1593 à Londres. Shakespeare a alors 29 ans. Il n’a encore écrit aucune des 37 pièces qui feront de lui l’un des auteurs de théâtre les plus prolifiques et les plus célèbres du monde. Il a déjà publié ses « Sonnets » mais cela ne nourrit pas son homme. A l’époque (comme d’ailleurs à la nôtre !) seul le théâtre rapporte. Sur ce plan, il est en compétition avec Christopher Marlowe (interprété par Rupert Everett), qui a le même âge que lui. Au début du film, Shakespeare n’a écrit, de la pièce qu’il a vendue à son commanditaire, Mr Henslowe, lui-même au bord de la faillite, que le titre : « Roméo et Ethel, la fille du pirate ». Totalement en panne d’inspiration, il va découvrir sa muse en Lady Viola de Lesseps (Gwyneth Paltrow), une jeune femme de la noblesse, qui l’admire pour ses « Sonnets », et rêve de le rencontrer et de devenir actrice. Mais, à l'époque de Shakespeare, l’Angleterre est sous le règne d’Elizabeth 1ère, et on vit encore sous la dictature des puritains qui considèrent le théâtre comme un lieu de perdition. Celui-ci est formellement interdit aux femmes et leurs rôles sont joués par des hommes. Seule la reine (impressionnante Judi Dench), qui peine à asseoir son pouvoir, aime le théâtre et le soutient. Mais elle a suffisamment de problèmes avec les ennemis du trône pour ne pas les affronter directement. C’est cependant cet interdit, qui pouvait, à l’époque, vous conduire directement à l'échafaud, que tente de braver Lady Viola en décidant, par amour pour le théâtre et pour William, de se déguiser en homme et de jouer le rôle de Roméo. William découvre la supercherie et la véritable identité de son « jeune premier » et il en tombe follement amoureux. Malheureusement, la jeune femme est promise à un autre homme, Lord Wessex (Colin Firth). Cet amour impossible inspirera deux de ses plus grandes œuvres au jeune dramaturge : « Roméo et Juliette » puis « La Nuit des rois ».
Ma critique
Shakespeare in love eut à sa sortie un grand succès public, obtenant une note de 8/10 sur le site internet de Rotten Tomatoes, et il fut acclamé la critique internationale. Les critiques français de cinéma furent plus réservés en raison de la trop grande liberté que le réalisateur aurait prise avec la vie de Shakespeare (pour autant qu’on la connaisse, puisque certains historiens ont mis en doute l’existence même du célébrissime auteur anglais !) On reconnaît bien là, hélas, l'outrecuidance française qui nous est tant reprochée à l'étranger. Personnellement, je me suis régalé avec ce film qui nous présente un Shakespeare jeune et sans tabou, heureux de croquer la vie à pleines dents, plutôt qu'un Shakespeare compassé et vieillissant dans une reconstitution historique fidèle mais poussiéreuse. Dans le cas de Shakespeare, sur lequel on sait si peu, surtout dans ses années de jeunesse qui sont celles que le réalisateur a choisi de traiter, le pédantisme n'en est que plus indigeste! L'intérêt du film réside aussi dans le fait que l'on nous montre le théâtre élisabéthain tel qu'il était à l'époque : à savoir plus près de la grosse farce et du cirque que de ce qu'évoque de nos jours le mot "théâtre". Le théâtre de l'époque était fait pour le peuple et non pour les nobles ou les lettrés et les pièces se jouaient dans des lieux qui évoquent plus pour nous des arènes à ciel ouvert que des théâtres fermés. Le type de théâtre que nous connaissons ne vit réellement le jour que deux siècles plus tard. Si le film prend des libertés avec la "vérité historique" (encore faudrait-il qu'elle soit connue !) il n'en prend pas avec la reconstitution des théâtres dans lesquels Shakespeare jouait à l'époque (le Globe, qui a été reconstruit en 1996 sur les plans du XVIe et à peu de distance du théâtre originel, le Rose ou le Swann Theatre) ou avec les mœurs élisabéthaines. Ainsi, on peut avoir grâce à ce film une idée de ce qu'était le véritable théâtre de Shakespeare.
Le film a reçu de nombreuses récompenses internationales. Il a raflé en 1999, pas moins de 7 Oscars dont celui du meilleur film et c’est, à mon avis, entièrement mérité, n’en déplaise aux critiques qui l’ont reçu en faisant la fine bouche.