Une grande aventure épique qui oscille entre signature originale et codes du genre avec scènes d'action explosives pas du meilleur effet, par une utilisation abusive de CGI. De Bali, son héros musclé au grand cœur (Ranbir Kapoor) que rien n'arrête et de son antagoniste, un policier indien du commissariat britannique, Shuddh Singh (Sanjay Dutt) pour un personnage digne des fous furieux qui ne meurent jamais.
On regrette que reste en filigrane le colonel britannique (Craig McGinlay), qui semble nous proposer un minimum de complexité entre devoir et réflexion sur l'impact du colonialisme. Karan Malhotra choisi de privilégier ce bien méchant et vieillissant Shuddh, qui étonnera par ses capacités guerrières. Sensible à sa propre cause, n'hésitant pas à trahir les anglais, sans pour autant ressentir ni empathie ni solidarité pour son peuple maltraité, on aura du mal à saisir tant de malveillance et il finira par nous fatiguer tant il prend de la place pour peu d'enjeu.
En dénonçant aujourd'hui, le problème de la pauvreté en Inde, le pire ennemi ne sera donc pas un anglais mais ce chef de brigade indien, qui vient enfoncer le clou pour un public indien déjà agacé par le portrait si peu empathique qu'il en est fait des hautes castes. Et Shamshera comme Bali son fils, voleront les riches qui participent à leur asservissement, dans la joie et la bonne humeur, avec armes mais sans trop de violence, parfois. Le cinéaste en rajoute une couche par une scène d'amour où les deux corps nus risquent de prendre la main sur les ventres dénudés si décriés par le public indien.
Shamshera est un homme que l'on appelle avec ferveur un peu comme on chantait le nom de Baahubali, mais Karan Malhotra n'aura pas la générosité de Rajamouli ou la maîtrise de Bhasali et de ses chorégraphies parfaitement intégrées dans l'intrigue. Et au souvenir de la technicité des danses du film Bajiaro Mastani, celles de Sona (Vaani Kappor) nous offrent un bien pâle reflet.
Sur pratiquement les 2h30 du film, les baisses de tension sont nombreuses, les scènes traînent en longueur au grès de l'introduction de personnages et coupent régulièrement le rythme. Si le peu d'action reste nerveuse, les effets spéciaux font bien souvent tâche par leur grossièreté et leur répétition, sans la jubilation d'un RRR. La volonté de proposer du grand spectacle est vite remisée par le manque d'ampleur des personnages, notamment féminins, une seconde partie en berne, avec l'introduction de Bali tel un joyeux luron irresponsable, avant de devenir tout à coup rebelle, expert en combat, et voleur au grand cœur, qui nous fait presque regretter que la présence de Shamshera, le papa sacrifié, soit de si courte durée.
Ranbir Kapoor dans les deux rôles joue suffisamment de changement physique pour nous y faire croire et ne démérite pas. Un nouveau héros reprenant le flambeau de son père 25 ans plus tard, aux actions bien badasses, mais aux allers-retours fatigants entre vols et fuites continuels, suivant le même schéma narratif, et aux multiples confrontations bien redondantes entre lui et Shuddh.
Avant enfin, un duel final qui en ravira certains. On apprécie quelques trouvailles de baston et de chorégraphies efficaces aux actes de bravoure insensés tel le saut de l'ange pour atteindre (on se demande) un puits par un plongeon des plus périlleux, ou de prendre comme ils viennent ces corbeaux et aigles venant prêter main forte à Bali (on se demande aussi). Restent une belle photographie et des décors de désert toujours du plus bel effet.
Mais sera déçu quiconque s'attend aux ressources physiques et réelles des comédiens.
Et l'instant kitsch attendu. Dans un lieu paradisiaque, la belle Sona se roulera comme tant d'autres dans le sable, le jetant par dessus son épaule sans prendre un seul grain dans l'œil et dansera sous l'eau sans prendre de respiration devant le regard amoureux de son Bali en apnée.
C'est toujours un grand moment.